Le mercredi, c'est permis ! Thierry Beaurepère est de retour pour vous faire part de son humeur du moment. Et cette semaine, il revient sur « l'affaire Aigle Azur » et son petit air de « déjà vu ».
L’histoire adore bégayer, le tourisme aussi. En 2003, il n’avait fallu que quatre jours entre le redressement judiciaire et la liquidation d’Air Lib. Un scandale humain avec des centaines d’emplois évaporés et des milliers de passagers oubliés ; un scandale financier avec des millions d’euros de dettes, des agences étranglées et même des détournements financiers. Lundi prochain, le tribunal de commerce tranchera sur le sort d’Aigle Azur, avec un petit air de « déjà vu ».
Le pire n’est jamais à exclure car ce que l’on peut désormais appeler « l’affaire Aigle Azur » s’est envenimée en seulement une semaine. De par l’attitude de son patron tout d’abord, qui n’a eu de cesse de jouer les Pinocchio, annonçant des chiffres farfelus au fil des jours, assurant que l’activité pouvait continuer encore quelques semaines, et claquant finalement la porte en laissant en rade des milliers de passagers comme jadis le capitaine d’un célèbre paquebot en train de couler.
S’il avait peur de l’avion, il fallait lui offrir un animal de soutien, un cochon d’inde ou un lapin, comme cette passagère anxieuse qui a récemment embarqué sur American Airlines avec son cheval nain ! Il n’est jamais simple de gérer une défaillance mais cela fait aussi partie du « job ». On aurait apprécié un peu plus de panache, qu’il soit aux côtés de ses équipes, des agences qui triment depuis des jours pour trouver des solutions. C’est peu dire que Frantz Yvelin a raté sa sortie !
Vent debout aujourd‘hui, réclamant à juste titre que les compagnies aériennes mettent enfin en place une garantie financière visant à protéger le consommateur (mais apparemment, c’est chacun pour soi dans le monde rêvé des avions et la solidarité est un gros mot chez Iata !), la profession n’est pas totalement exempte - elle aussi - de tout reproche, alors que les rumeurs circulaient depuis des semaines.
14 projets de reprise ou marques d’intérêt
Le 8 août, lorsque Tour Hebdo publiait un article évoquant les difficultés d’Aigle Azur (et fut menacé de procès pour avoir l’audace d’écrire que ça sentait le brûlé !), certains patrons interrogés déclaraient au mieux ne pouvoir rien faire au risque de précipiter la chute de la compagnie, au pire qu’il n’y avait rien à craindre car les actionnaires étaient solides ! Fallait-il protéger le soldat Yvelin ?
Les vautours sont aujourd’hui de sortie, à commencer par les Air Indemnité et consorts, spécialistes du traitement des réclamations de passagers, qui font leur beurre en suggérant à la presse d’interviewer leurs « experts », espérant une citation dans un journal ou une bannière avec leur nom à la télé. Les concurrents d’Aigle Azur aussi qui, sous couvert de venir en aide aux salariés, et faute de mettre la main sur des avions qui n’appartiennent pas à Aigle Azur, salivent devant les milliers de slots à Orly.
La soupe doit être bonne puisque 14 projets de reprise ou marques d’intérêt ont été déposés sur le bureau de l’administrateur. Air France a-t-elle eu le choix où l’Etat lui a-t-il gentiment « suggéré » d’entrer dans la course ? En tout cas, les marchés financiers n’ont guère apprécié et l’action a perdu 10% en une semaine… Lionel Guérin et Philippe Micouleau, deux anciens de Hop qui ont le soutien d’une partie du personnel et notamment des pilotes, feraient-ils mieux ? Pour mémoire, c’est l’ancien pilote de ligne Jean-Charles Corbet, qui avait mis la main sur Air Liberté en 2001 ; avec le succès que l’on connaît !