Mercredi, c'est permis ! Notre journaliste Thierry Beaurepère est de retour pour vous faire part de son humeur du moment. Il revient cette semaine sur l'enlèvement de deux Français au Bénin, puis déplacés au Burkina Faso. Leur libération s'est soldée par la mort de leur guide et de deux militaires. Et il s'interroge sur la responsabilité des tour-opérateurs et des agences, pointée du doigt.
Les tour-opérateurs devront-ils ajouter, demain, la mention « Voyager comporte des risques » sur leurs brochures, comme on écrit « Fumer tue » sur les paquets de cigarettes ? Devront-ils publier l’image d’un otage les mains ligotés dans le dos, comme on imprime des poumons noircis par le goudron ? La dramatique libération des deux otages français, enlevés au Bénin et déplacés au Burkina Faso, rappelle que voyage rime aussi parfois avec drame.
A l’heure du sur-tourisme et alors que les offices de tourisme incitent à oser d’autres pistes, difficile de blâmer ceux qui veulent sortir des sentiers trop battus. Mais pour goûter au grand frisson, pour sentir le souffle de l’aventure, est-il nécessaire d’explorer les ruines radioactives de Fukushima ou de visiter les favelas de Rio ? De franchir la ligne rouge en explorant des zones dangereuses, voire interdites ? Voyager différemment ne signifie pas voyager n’importe comment.
Informer, une règle d'or dans le tourisme
Pourtant, chaque année, des skieurs dévalent les montagnes hors des pistes pour une dose d’adrénaline ; des surfeurs défient les requins pour une bonne vague. Généralement, ils ne font que mettre leur propre vie en danger, comme on joue à la roulette russe. Cette fois-ci, l’inconscience a entraîné la mort d’un guide et de deux sauveteurs. Le drame aura eu le triste mérite de rappeler que si le touriste a des droits, il a aussi des devoirs.
Il y aura sûrement un avant et un après Bénin, comme il y a eu un avant et un après Jolo. Petit rappel pour les nuls en histoire du tourisme : en 2006, Ultramarina a été condamné à payer de forts dommages et intérêts à des clients pris en otage (puis libérés) lors d’un voyage en Malaisie puis transféré à Jolo (Philippines), au motif que le TO ne les avait pas informé des risques encourus. Un choc pour la profession… Depuis, l’information aux voyageurs est devenue la règle et le site du ministère des Affaires étrangères fait référence, même si ses conseils peuvent parfois être discutés.
Être exigeants avec ses partenaires locaux
Les familles des militaires tués, Cédric de Pierrepont et Alain Bertoncello, ne semblent pas vouloir porter l’affaire devant les tribunaux. On aurait pourtant aimé connaître la position d’un juge si l’une avait osé porter plainte contre les deux touristes, pour mise en danger de la vie d’autrui… Peut-être une décision de justice aurait-elle permis de responsabiliser des voyageurs trop insouciants. Responsable mais pas coupable ? D’assainir un marché de plus en plus souvent capté par des réceptifs pas toujours sérieux, qui tirent leur gloire des étoiles que leur attribue Tripadvisor…
A défaut, on n’aura jamais autant parlé du site Conseils aux voyageurs — un mal pour un bien… Profitons-en au passage, même s’il est consulté huit millions de fois par an, de suggérer au Quai d’Orsay de créer une adresse plus simple et plus «judicieuse» pour faciliter son accès. A défaut, les Entreprises du Voyage ont rappelé que les professionnels français s’interdisaient de proposer des voyages dans les zones déconseillées. Pas si simple ! Tour Hebdo a déniché quelques TO qui font exception et envoient des touristes en Corée du Nord ou en Syrie… Quant aux agences, toujours plus nombreuses à travailler directement avec les réceptifs, mais aussi les plateformes du type Evaneos, sont-elles suffisamment exigeantes sur le choix de leurs prestataires locaux afin d’éviter un autre drame ?