Mercredi, c'est permis ! Thierry Beaurepère est de retour pour vous faire part de son humeur du moment. Cette semaine, il nous fait part de sa dernière lecture, Descente aux enfers, vie et mort de la SNCF. Ce livre, signé par Marie-Christine Tabet et Christophe Dubois, dépeint "une SNCF en voie de décomposition".
Lundi 1er avril (et ce n’est pas un poisson !), les valises s’entassent dans les allées du RER B. De nombreux voyageurs filent jusqu’à Roissy, le terminus. Enfin, normalement ! Quelques minutes après le départ de Paris, le conducteur annonce que finalement, le train stoppera au parc des expositions du Bourget, deux stations avant l’aéroport. Problème technique. Et de là, on fait quoi ? Pas de bus, pas de taxi. Débrouillez-vous !
Dans le train, les passagers angoissent. Arriveront-ils à temps pour prendre leur avion ? D’autant que les messages sont contradictoires. Sur le quai de la gare du Parc des expositions, le haut parleur crie « terminus, tout le monde descend ». Au grand dam du chauffeur qui espère rejoindre l’aéroport et invite les voyageurs à rester à bord. Un joli bazar qui ajoute à la confusion…
Calcul original de la ponctualité
L’anecdote n’est que le triste reflet d’une SNCF en voie de décomposition. C’est en tout cas l’analyse des journalistes Marie-Christine Tabet et Christophe Dubois dans le livre Descente aux enfers, vie et mort de la SNCF (*). « Avant, quand on voulait être à l’heure, on prenait le train. Maintenant, c’est l’inverse », y plaisante Christian Broucaret, de la Fédération nationale des associations d’usagers des transports.
Le bouquin se lit comme un polar ; et les infos dévoilées au fil des 300 pages font froid dans le dos. Deux déraillements majeurs et 18 morts depuis 5 ans, des pannes et des retards en pagaille, des passages à niveau qui débloquent et des communications qui s’entrechoquent…. Selon l’Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières (Arafer), 480 trains ont été annulés chaque jour, en moyenne, en 2017.
L'information aux passagers, "une catastrophe absolue"
Côté retard, la SNCF fanfaronnait encore ce matin. Un communiqué annonce une amélioration de la régularité au premier trimestre 2019, avec 89,3% de trains arrivés à l’heure (+2,2 points en un an) grâce à la mise en place du programme H00, un nom digne d’un film de science-fiction. Le transporteur a néanmoins une manière originale de faire ses calculs : pour un trajet de plus de trois heures, un TGV est considéré à l’heure même s’il arrive 15 minutes après l’horaire prévu !
Et je vous passe les trains qui roulent au ralenti, faute d’un réseau entretenu. Et je vous passe l’information aux passagers, « une catastrophe absolue » pour reprendre le terme d’un haut dirigeant de la SNCF après les pannes en série de la gare Montparnasse, désormais surnommée « M la Maudite ». Un chantier est en cours pour améliorer les choses, un de plus !
200 millions d'euros par an dépensés en communication
Étrangement, la presse n’a fait que peu état de ce livre. Il faut dire que le jour de sa sortie, les journalistes spécialistes du transport ferroviaire étaient conviés par la SNCF à un « séminaire de presse». Le transporteur, qui dépense plus de 200 millions d'euros par an en communication, en a profité pour annoncer une nouvelle politique commerciale. Un hasard du calendrier ou une manière habile pour Guillaume Pépy de détourner l’attention ?
D’ailleurs, le livre ne manque pas d’évoquer les relations parfois incestueuses entre la SNCF et les journalistes ; d’écorner aussi le « VRP de luxe » du transporteur. Lorsque François Hollande reconduisit Guillaume Pépy dans ses fonctions en 2013, il aurait d’ailleurs déclaré : « Il faudrait lui dire que la communication du président de la SNCF, c’est bien ; mais que la communication de la SNCF en direction des usagers, c’est mieux. » Bref, un bouquin à dévorer, lors d’un prochain voyage… en train !
(*) Descente aux enfers, vie et mort de la SNCF, éditions Fayard, 21,90 €.