Le mercredi, c'est permis ! Thierry Beaurepère est de retour pour vous faire part de son humeur du moment. Et cette semaine, il s’interroge sur la vente de Corsair et la nouvelle stratégie choisie.
Après des années de rumeurs de ventes, après des mois d’atermoiements, c’est donc fait. Ouf, on avait fini par ne plus y croire ! Le groupe TUI, qui avait hérité de Corsair en rachetant Nouvelles Frontières il y a déjà 17 ans sans jamais avoir su quoi en faire (un paradoxe alors qu’il gère des dizaines d’avions !), a cédé son embarrassante compagnie à la société allemande d’investissement Intro Aviation ; un redresseur de transporteurs qui a permis dans le passé à LTU Airlines de reprendre de l’altitude avant d’être cédée à Air Berlin, aujourd’hui disparue !
Redonner des couleurs à Corsair
Le bilan de Pascal de Izaguirre à la tête de TUI France est discutable (exécrable diront les syndicats qui ne comptent plus les plan sociaux !), mais on pourra arguer qu’il n’avait pas les coudées franches. En prenant les commandes du transporteur français, celui qui a fait une large partie de sa carrière chez Air France devra faire mieux. Avec les 1200 salariés qui ont pris courageusement 20% du capital, il n’a guère le choix : c’est certainement la dernière chance pour Corsair. Et il va falloir sérieusement se retrousser les manches pour lui faire reprendre de l’altitude.
Car après avoir (légèrement) brillé dans le ciel français dans les années 90, lorsqu’elle s’affichait comme la compagnie des bronzés avec un réel «capital sympathie», Corsair a largement disparu des radars malgré ses 1,2 million de passagers transportés annuellement. Selon la société de marketing digital SEMrush, le second transporteur français n’apparaît même pas dans le classement des 15 compagnies aériennes les plus recherchées par les Français sur Google. Même Aéroflot ou Garuda font mieux, c’est dire !
Pas facile dans ces conditions de remplir les avions, quand bien même ils ne sont que sept ! Le nouvel actionnaire vaut faire bondir la flotte à 13 appareils d’ici 5 ans. « Qui va piano va siano » dit le dicton. Mais ce doublement - aussi indispensable soit-il - demeure une pacotille pour construire un réseau cohérent lorsque pour l’heure, les ouvertures de lignes s’apparentent davantage à des opportunités de marché. A moins qu’il ne s’agisse de redonner des couleurs à Corsair, pour mieux la revendre dans quelques années (Intro Aviation s’est engagée à ne pas céder sa participation avant trois ans).
Poursuivre la stratégie de montée en gamme
Au-delà, c’est la piste choisie qui étonne. La compagnie persiste et signe dans sa stratégie de montée en gamme initiée il y a quelques années, avec des avions équipés d’une véritable classe affaires et d’une Eco Premium. Mais face aux réseaux internationaux d’Air France, de Lufthansa et de British Airways, face à la puissance de leurs hubs et de leurs programmes de fidélité, l’ex compagnie de Jacques Maillot peut-elle réellement séduire les entreprises et se faire une place au soleil ?
Alors que l’heure est au low cost long courrier, et alors qu’Air France hésite encore quant à la stratégie à suivre, n’aurait-il pas été plus judicieux de faire de Corsair le transporteur à bas prix tricolore qui nous fait tant défaut ? D’en faire la compagnie de cœur - car Corsair est pour encore longtemps assimilée dans l’esprit des Français au « transporteur charter de leurs vacances » - capable de rivaliser avec Norwegian ? Quoiqu’il en soit, et parce que la France a besoin d’un challenger, on a envie de souhaiter bon vol à la nouvelle équipe. Et de fêter les 40 ans de Corsair, dans deux ans…