Mercredi, c'est permis ! Thierry Beaurepère est de retour pour vous faire part de son humeur du moment. Et cette semaine, il revient sur les propositions de Jean-François Rial (et de Jean-François Martins, adjoint à la maire de Paris) pour un tourisme "à effet positif" à Paris.
C’est en pleine COP 25 que le Seto a décidé de délocaliser son forum annuel de Deauville… à Porto. Pour mieux faire passer ce malencontreux hasard de calendrier, le syndicat s’est engagé à compenser les émissions de CO2 générées par l’événement. Combien d’arbres seront plantés dans les prochaines semaines ? René-Marc Chikli a-t-il émis plus de gaz (!) que Jean-François Rial ? A vos cahiers (en papier recyclé), vous avez deux heures…
A vrai dire, le Seto n’avait pas le choix ! Le patron de Voyageurs du Monde, par ailleurs vice-président du syndicat, est à la pointe du combat, en particulier dans la capitale. Il l’a encore prouvé la semaine dernière en nous gratifiant d’un rapport intitulé « Pour un tourisme à impact positif », réalisé pour le think tank Terra Nova (*) et co-signé avec Jean-François Martins, adjoint au tourisme à la Mairie de Paris.
« À horizon 2030, le tourisme à Paris doit être un tourisme qui se fond dans la masse plutôt qu’un tourisme de masse. Cette stratégie doit désormais se concentrer sur la valeur créée pour le territoire et non simplement sur le volume. Elle doit générer un tourisme quasiment exclusivement constitué de visiteurs individuels », explique Jean-François Rial. Les spécialistes des groupes apprécieront ! A la clé, une série de propositions.
Attention à l'accélération de la gentrification
Certaines suggestions vont immanquablement créer la polémique (seront-elles reprises par des candidats aux élections municipales ?), comme l’interdiction des autocars d’ici 2024. Les enjeux sont considérables. Prenons le cas de mon « adorable » ville natale de Châteaudun, à une heure et demie de route. Chaque week-end, l’autocariste Dunois Voyages propose aux habitants de « monter à la capitale » à moindre coût, pour visiter le salon de l’agriculture ou admirer les danseuses du Paradis Latin.
Demain, devront-ils s’en priver parce que trop « pauvres » pour s’offrir un voyage individuel ? Les salles de spectacles et théâtre peuvent-elles se passer de cette manne régionale ? A vouloir bien faire, le danger est aussi de faire de Paris une destination réservée aux riches touristes, et d’accentuer sa gentrification tant décriée…
D’autres sont urgentes, comme la nécessaire régulation des logements Airbnb, voire leur interdiction dans les arrondissements du centre. Afin d’éviter que des quartiers entiers ne se vident de leurs habitants au profit de meublés touristiques et afin que les commerces de proximité refleurissent, pour que les Parisiens se réapproprient leur ville. Mais n’est-il pas trop tard ?
« Le cœur de Paris perd son âme »
Sur les Champs Elysées, c’est foutu ! Les restaurants et les cinémas sont remplacés par des boutiques Dior et des vendeurs de téléphone. En attendant le plus grand Nike Store d’Europe. Trop bien ! On y allait autrefois pour boire un verre entre potes et se faire une toile. Aujourd’hui, L’avenue est à bout de souffle pour paraphraser Godard, devenue au pire un « cirque touristique » que les Parisiens évitent, au mieux la balade digestive du dimanche avec la famille de province, après le poulet rôti…
Le cœur de Paris perd lui aussi son âme. A Saint-Germain-des Prés, dans le Marais ou autour des Halles, les fêtes de fin d’année donnent le « La ». Les « Merry Christmas » ont remplacé les « Joyeux Noël » en vitrine ; dans les magasins, la bande sonore passe en boucle Mariah Carey plutôt que Tino Rossi, c’est plus vendeur ! Et partout, les boutiques « gourmets » remplacent les fromagers et les primeurs. Il faut croire qu’un Parisien ne mange pas cinq fruits et légumes par jour, mais cinq macarons ! C’est donc entre deux cuillères de caviar (!) que je vous souhaite un joyeux Noël, et vous donne rendez-vous l’année prochaine…
(*) www.tnova.fr