Nabila Iken, responsable R&D de the Treep, aide les professionnels du tourisme à compléter leur connaissance RSE afin de mieux informer leurs clients
Définitions et chiffres clés
Après avoir abordé la situation telle qu’elle se présente au monde, Lire l'article, Nabila Iken, apporte les éléments d’information pour comprendre les mécanismes liés au réchauffement climatique. Avant d'aborder les solutions, il s'agit de comprendre de quoi on parle.
Chapitre 2
Considéré par l’OCDE comme l’un des défis du siècle, voire comme « Le plus grand défi pour l’histoire de l’humanité » par certains scientifiques, la problématique du changement climatique est aujourd’hui plus ou moins connue de toutes et tous.
Cependant, il s’agit d’une thématique complexe qui n’est pas toujours facile à appréhender dans sa globalité. Effet de serre, forçage radiatif, température moyenne… Nombreux sont les concepts clés qui paraissent à la fois familiers et insaisissables pour la plupart d’entre nous. Dans cet article, nous posons les briques élémentaires pour la compréhension des mécanismes en jeu dans le phénomène du réchauffement climatique.
Il était une fois … la révolution industrielle
L’Histoire de l’humanité est jalonnée de découvertes majeures et de révolutions. Mais s’il y a un élément que l’on pourrait qualifier de déterminant, il s’agit bien de l’énergie. Feu, traction animale, vent … l’humanité a apprivoisé de nombreuses sources d’énergie au cours de son évolution. Mais qu’est-ce que l’énergie exactement ?
Ce terme qui provient du grec ancien energia et signifie « la force en action ». Sur le plan physique, l’énergie peut être définie comme étant ce qui permet d’effectuer des transformations sur un système. Par exemple, il peut s’agir d’une transformation de température et d’état de la matière (telle qu’un changement du solide vers le liquide), d’une production de mouvement ou de travail (tel que le déplacement d’un objet), etc.
Par conséquent, l’énergie est présente tout autour de nous. Elle se présente cependant sous différentes formes. Chaque forme pouvant être convertie en une autre forme. Par exemple, les plantes convertissent l’énergie du soleil en énergie chimique grâce à la photosynthèse et les moteurs thermiques convertissent l’énergie chimique des carburants en énergie mécanique. Toutes ces formes d’énergie peuvent se mesurer dans la même unité, mais certaines unités sont privilégiées pour certains types d’énergie (les kilowattheure pour l’électricité, le Nm3 pour le gaz, le baril pour le pétrole, etc.).
Le pétrole : roi des énergies fossiles
Jusqu’au milieu du XIXe siècle, l’activité humaine se base principalement sur la « biomasse traditionnelle » issue de la combustion de bois, de déjections animales ou de charbon de bois. En 1859, le premier puits de pétrole est découvert aux États-Unis. À partir des années 50, le pétrole devient l’énergie la plus consommée au monde. Et pour cause, ce vecteur d’énergie offre une densité énergétique révolutionnaire. La notion d’« esclave énergétique » − popularisée par Jean-Marc Jancovici – permet d’illustrer l’ampleur de notre actuelle consommation énergétique, en calculant le nombre d’esclaves énergétiques qu’il faudrait pour soutenir notre mode de vie. Selon ce dernier, il en faudrait environ 400 à disposition de chaque individu en France pour produire tout le travail et l’énergie nécessaires à son train de vie. En effet, cette consommation énergétique annuelle moyenne par personne est de 39 218 kWh/an par personne en France aujourd’hui, et elle se compose à 46,4% d’énergies fossiles non renouvelables (contre 81% à l’échelle mondiale).
Par ailleurs, la formation des énergies fossiles est le résultat d’un processus qui s’étale sur plusieurs dizaines (voire des centaines) de millions d’années. Ce processus commence par l’accumulation et la décomposition de matières organiques : du plancton et des algues dans le cas du pétrole et du gaz, et des végétaux dans le cas du charbon. Il exige des conditions bien particulières, notamment en matière de température et de pression. Les énergies fossiles sont non renouvelables à l’échelle des vies humaines et des civilisations, bien qu’elles puissent se régénérer à des échelles de temps géologiques (après plusieurs millions d’années).
Les ressources mondiales de pétrole, gaz et charbon sont donc finies, tout en étant difficiles à quantifier avec exactitude. Elles se distinguent des « réserves » d’énergies fossiles qui sont des quantités récupérables (et donc financièrement rentables) à partir des gisements découverts et qui dépendent donc de facteurs techniques et économiques. Par exemple, la généralisation de la fracturation hydraulique pour la production de pétrole et gaz de schiste au cours des années 2000 a influé fortement sur les réserves mondiales d’énergies fossiles. Certains scientifiques parlent d’un « pic pétrolier » pour décrire le fait que la production de pétrole va décliner à cause de l’épuisement des réserves. Cependant, il n’y a pas de consensus sur le fait que le pic pétrolier soit déjà passé (en particulier suite à l’avènement des pétroles non conventionnels).
Carbone dans l’atmosphère = effet de serre
Comme mentionné précédemment, les hydrocarbures générés par ce processus se caractérisent par une densité énergétique exceptionnelle et ont l’avantage d’être facilement stockés et transportés.
Mais pourquoi leur exploitation cause un dérèglement climatique (d’origine humaine) sans précédent ?
Pour exploiter l’énergie stockée dans les hydrocarbures, ces derniers doivent être brûlés. Cette réaction chimique de combustion libère de l’énergie sous forme de chaleur, mais également du dioxyde de carbone et de l’eau (entre autres). Le CO2 est le gaz qui contribue le plus à l’effet de serre aujourd’hui.
Mais qu’est-ce que l’effet de serre et quel est le lien avec le dérèglement climatique ?
Chaque seconde, notre planète reçoit 340 joules par m² d’énergie solaire en moyenne annuelle. La manière dont ce flux d’énergie est diffusé et absorbé par l’atmosphère, le sol et les océans détermine la température moyenne de la terre (15°C aujourd’hui) : c’est ce qu’on appelle l’effet de serre. Sans ce phénomène, la température moyenne de la planète Terre serait de -19°C.
En effet, l’effet de serre est le résultat de l’action des gaz comme le dioxyde de carbone (CO2), la vapeur d’eau (H2O), le méthane (CH4) ou le protoxyde d’azote (NO2), et dépend donc de la composition de l’atmosphère. Ces « gaz à effet de serre » empêchent l’énergie reçue par le soleil de se diffuser dans l’espace, ce qui induit, entre autres, une augmentation de la température.
Par ailleurs, c’est en faisant le bilan énergétique du système climatique terrestre (la différence entre l’énergie reçue et l’énergie émise) que le « forçage radiatif » de celui-ci est calculé. Il s’agit donc d’une grandeur physique qui se mesure en W/m2, et qui permet de mesurer les perturbations climatiques causées par différentes sources. En effet, bien qu’il en soit le principal contributeur, le CO2 n’est pas le seul facteur de dérèglement climatique. La déforestation, la fonte des glaces et les aérosols ont également un effet sur ce dernier.
Par exemple, d’énormes quantités de carbone stocké dans les arbres sont libérées lorsque des forêts sont détruites par le feu. En outre, la nature des sols joue également un rôle dans le réchauffement climatique à travers leur albédo. Ce dernier désigne une grandeur physique d’une valeur de 0 à 100% et qui permet de connaître la quantité de lumière solaire réfléchie par une surface. Ainsi, une surface parfaitement blanche aura un albédo de 100% (car réfléchissant toute la lumière incidente), et une surface parfaitement noire aura un albédo de 0% (car ne réfléchissant aucune lumière). Parce que la glace a un albédo de 60%, la fonte de la banquise réduit l’albédo de la terre, ce qui accentue le réchauffement climatique.
Enfin, certaines particules ont un effet refroidissant sur le climat : ce sont les aérosols. Il s’agit de particules fines en suspension dans l’air d’origine naturelle (volcans) ou humaine (cuisson, moteurs diesel, chauffage, etc.). Du fait de leur petite taille, ces particules peuvent pénétrer dans le système respiratoire humain et sont dangereuses pour la santé. De plus, leurs propriétés physico-chimiques font que ces particules rendent l’atmosphère plus « opaque » et contribuent à réfléchir la lumière du soleil, donc à réduire le forçage radiatif de la terre.
Le CO2 a été choisi comme gaz « étalon »
Par ailleurs, tous les gaz à effet de serre ne contribuent pas au forçage radiatif de la même manière. En effet, chaque gaz contribue différemment au forçage radiatif et a sa propre durée de vie dans l’atmosphère. Certains gaz comme le méthane (CH4) contribuent fortement au forçage radiatif, mais ont une faible durée de vie, quand d’autres gaz comme l’hexafluorure de soufre (SF6) ont à la fois une forte contribution au forçage radiatif et une longue durée de vie. Afin de comparer la contribution de chaque GES à l’effet de serre, le CO2 a été choisi comme gaz « étalon ». Ainsi, on dit que le méthane est 28 à 30 fois plus puissant que le CO2 en termes d’effet de serre, et le protoxyde d’azote (N2O) l’est 265 fois plus. Cet indicateur est appelé PRG (pouvoir de réchauffement global) du gaz à effet de serre, et permet de calculer l’équivalent CO2 des différents gaz à effet de serre. Ainsi, 1kg de N2O vaut par exemple 265kg de CO2 équivalent (ou CO2e, ou CO2eq).
Puits et réservoirs de carbone
Comme mentionné précédemment, le dioxyde de carbone est le principal contributeur au forçage radiatif d’origine humaine. Sa concentration dans l’atmosphère est aujourd’hui de 419 ppm (contre 277 ppm en 1750). C’est-à-dire que pour un million de particules dans l’atmosphère, il y a 419 particules de CO2. Cette concentration est la plus élevée jamais connue par l’humanité. En effet, il faut remonter 3 millions d’années en arrière pour retrouver de telles quantités de CO2 dans l’atmosphère (pendant la phase chaude du Pliocène). A cette époque, le niveau des mers était entre 10 et 40 mètres au-dessus du niveau actuel.
En outre, la concentration de CO2 présent dans l’atmosphère est le résultat de plusieurs phénomènes combinés : les émissions liées à l’exploitation des énergies fossiles, mais aussi le stockage du CO2 dans les océans, les sols et la biosphère. En effet, ces derniers sont des « réservoirs » de carbone qui en régulent la quantité dans l’atmosphère : ils constituent les différentes étapes du cycle du carbone. Durant la dernière décennie, nous avons libéré 40 gigatonnes de CO2 annuellement. Environ un quart de ces émissions ont été absorbées par les océans, un quart par la biosphère et les sols, et la moitié de cette quantité a été stockée dans l’atmosphère.
Les sources d’émissions de GES
Comme mentionné précédemment, l’exploitation des énergies fossiles est la première source d’émissions de CO2 dans le monde : ce poste représente quasiment les trois quarts des émissions totales de GES. Mais des émissions CO2 sont également dues à la déforestation et à certains procédés industriels comme la fabrication du ciment.
En outre, les autres gaz à effet de serre proviennent de différentes sources. Il y a notamment :
- Le méthane (CH4) qui provient de l’agriculture, de l’élevage et des décharges ;
- Le protoxyde d’azote (N2O) qui vient de l’agriculture (de l’usage des engrais azotés notamment) et de certains procédés industriels ;
- Les HCF et PFC et le SF6 dus aux procédés industriels, à la réfrigération et aux sprays ;
- Le NF3 dû à la fabrication de produits électroniques.
A l’échelle globale :
- L’industrie est le secteur le plus émetteur (24,2% des émissions mondiales)
- Suivi du secteur du bâtiment (17,5%)
- Puis du transport (16,2%).
En France, c’est le secteur du transport qui est le plus contributeur aux émissions de gaz à effet de serre (30% du total), suivi du secteur résidentiel tertiaire (14%) et de l’industrie (11%). A la part des émissions de gaz à effet de serre (principalement du CO2) qui proviennent de l’exploitation de l’énergie, s’ajoutent les émissions qui proviennent de l’agriculture, de la déforestation et de l’usage des sols (environ 18% à l’échelle mondiale).
L’empreinte carbone
À l’échelle mondiale, les émissions annuelles par personne dues énergies fossiles sont de 4,8 tonnes de CO2e en 2020. Mais ce chiffre varie fortement selon les pays. Il comptabilise en outre le CO2 émis à l’intérieur des territoires. Or, afin d’avoir une vision globale des émissions de GES d’une population, il faut également tenir compte des émissions associées aux importations, ainsi que des autres gaz à effet de serre : c’est ce qu’on appelle l’empreinte carbone. Selon carbone4, l’empreinte carbone individuelle en France s’élève à 9,9 tCO2e. Dans cette empreinte, les transports (en particulier la voiture individuelle) sont les premiers contributeurs, suivis de l’alimentation, des logements, des achats, et enfin des services publics (part qui ne dépend pas des individus).
Enfin, il est à noter que ce chiffre varie également au sein d’un même pays, selon le mode de vie (et donc selon de la classe sociale). Selon l’économiste Lucas Chancel, la moitié de la population française émet environ 5 tonnes de CO2 par an, quand les 10% les plus aisés en émettent autour de 25 tonnes par an.
Le chapitre 3 abordera les conséquences des émissions de gaz à effet de serre dans l’atmosphère sur la planète, les écosystèmes et l’humanité.
1 Normo mètre cube : unité de mesure de la quantité de gaz contenue dans un volume d’un mètre cube dans les conditions normales de température et de pression (le plus souvent 0°C et 1 atmosphère respectivement).
2 Gaz à effet de serre
3 Part par million
4 Hydrofluorocarbures
5 Perfluorocarbures
6 Hexafluorure de soufre
7 Trifluore d’azote