Le 5 juillet, enseignants et professionnels du tourisme ont planché durant une journée sur la nouvelle directive européenne sur les voyages à forfait. Un événement résumé ici en 7 points.
Pour Tour Hebdo, Laurence Jegouzo, Directrice adjointe l’école de droit de la Sorbonne et avocate en droit du tourisme, s’est livrée à une synthèse du colloque sur la nouvelle directive sur les voyages à forfait qu’elle a initié en partenariat avec notre magazine.
1 Pourquoi la nouvelle directive existe
Le développement des ventes en ligne et la libéralisation du secteur aérien ont modifié la façon dont les consommateurs organisent leurs vacances. Ce qui, à son tour, a changé la manière dont les professionnels aident les consommateurs à créer des combinaisons de services de voyage sur mesure, en particulier en ligne.
Or, dans de nombreux États membres, il n’était pas précisé si ces combinaisons entraient dans le champ d’application de la directive et si les professionnels intervenant dans l’élaboration de ces combinaisons étaient responsables de l’exécution des services prévus, en particulier dans l’environnement en ligne.
Cette situation a eu pour autre conséquence que les acteurs du marché qui, à l’heure actuelle, relèvent explicitement de la directive étaient assujettis à des règles et des coûts différents par rapport aux entreprises qui n’étaient pas soumises à la directive, ou qui estimaient ne pas l’être, alors qu’elles cherchent à attirer les mêmes clients (…).
Conformément à l’article 114 du traité, la proposition révisée a eu pour objectif général d’améliorer le fonctionnement du marché intérieur et d’atteindre un niveau élevé de protection des consommateurs par le rapprochement des dispositions relatives aux forfaits et autres combinaisons de services de voyage (…).
2. Qui est concerné par la nouvelle directive européenne
Reste à comprendre ce qu’englobent ces nouvelles notions : les services de voyage et les prestations liées de voyage.
Le champ d’application de cette directive est complexe sans doute parce qu’elle a été pensée pour son objet et non pour ses acteurs comme l’a noté Barbara Mentre représentant la DG JUST ET CONSO (…).
Les questions posées tant par les professionnels que par les participants montrent bien que nombre de questions restent en suspens et qu’il va falloir s’acclimater avec ces nouvelles notions. Et comme l’a noté, durant le colloque, le Professeur Christophe Lachieze : « On est passé de l’insécurité juridique du consommateur à celle du professionnel ».
3. L'incertitude des coffrets cadeaux
Certains questions restent posées : quid des coffrets cadeaux lorsqu’on vend une prestation sèche ?
Comme le rappelait aujourd'hui Maître Removille : les éditeurs de coffrets cadeaux ne connaissent pas ceux qui les achèteront. Comment dès lors les informer ou/et conclure le contrat ?
Khalid el Wardi peut ainsi à juste titre considérer que le médiateur du tourisme sera certainement le premier à faire jurisprudence sur toutes ces questions.
4. Une garantie financière toujours efficace
Frédéric Selnet nous a rappelé l’origine de la garantie financière. Celle ci est destinée à protéger les voyageurs en cas de défaillance financière des opérateurs. Les prestations sèches restent dans le champ de la garantie financière.
La libération de la garantie financière en cas de difficulté est possible sans demander l’avis d’un client. Elle reste efficace car comme l’a rappelé Emmanuel Toromanoff durant le colloque : « 40 000 clients ont été remboursés en 10 ans ».
Autre précision et nouveauté : un établissement situé en France et ayant plusieurs filiales à l’étranger peut avoir un seul garant pour l’ensemble de son activité situé en France ou hors France.
Les incidences pénales de cette Garantie financière ont été rappelées par Joël Gautier. Reste à considérer comme lui que ce sera l’application de ces règles qui restera compliquée.
5. Des innovations importantes sur les contrats touristiques
C’est sans doute dans ce domaine du champ contractuel que les innovations sont les plus importantes. D’une part le formalisme est accru et de nombreuses obligations sont ajoutées.
Peut-on encore parler de contrat et de forfait touristique ? C’est la question évoquée durant le colloque par le Professeur Christophe Lachièze qui s’interroge fort justement sur la question de savoir si d’un point de vue juridique, le forfait « à la carte » et plus encore le forfait dynamique est un forfait touristique ? Quant à la prestation de voyage liée elle constitue à ses yeux un quasi contrat.
La théorie de l’apparence jouera un rôle tout particulier dans cette nouvelle législation.
Sur les nouvelles obligations pesant sur le professionnel on peut être relativement dubitatif. Comme le note Xavier Delpech : « trop d’information tue l’information ».
Idem pour la révision du contrat : le prix de la prestation touristique pourra être augmenté pour le carburant mais aussi pour les autres sources d’énergie. Quelles sont-elles ?
6. La responsabilité de plein droit maintenue
Elle reste maintenue au grand dam des professionnels et de leurs instances représentatives mais à la grande satisfaction des associations de consommateurs. Pour Maître Emmanuelle Llop : "Ce maintien pèse lourd dans la balance si l’on y ajoute les nouvelles obligations des professionnels issus de la directive : la justification des frais d’annulation, les horaires de vols, la langue des services, la prise en charge des frais de remplacement pour n’en citer que quelques uns."
7. Les autres pays européens perplexes face à la directive
Alors sommes- nous les seuls en Europe à rester perplexes vis-à-vis de ce texte ?
Le Portugal a aussi fait le choix d’une transposition maximale comme l’a précisé le Professeur Carlos Torres. L’Espagne n’a pas encore transposé. Et l’on voit que chaque communauté autonome a des compétences propres. Ce qui laisse imaginer ce que sera la transposition de cette directive comme le pense le Professeur Melgosa. Valérie Augros a rappelé fort justement que ce seront les juges qui permettront de voir la réalité de cette nouvelle législation.