Jean Pierre Nadir, le président de FairMoove milite depuis des années en faveur du tourisme durable en présentant des alternatives vertueuses : son crédo : « le tourisme ne doit pas être un problème, mais la solution. »
Sa démonstration se base sur un postulat inversé : « Si le fait d’arrêter le tourisme a pour conséquence de sauver l’humanité, Il n’y a plus de débat. Il faut immédiatement le stopper. Si le tourisme est le principal malheur du monde, il faut l’arrêter » Mais comme, à l’évidence, le tourisme n’emporte pas avec lui toutes les causes de la finitude de notre monde, Jean Pierre Nadir répond par la négative.
photo Jean Pierre Nadir et Corinne Louison
Entre tout et rien, il y a une ligne de crête
Une simple observation sur la situation actuelle nous montre que le réchauffement climatique provient d’un ensemble de paramètres. Le tourisme n’en occupe qu’une part, en étant loin d’en être entièrement responsable. « Par contre, s’il est de bon ton de dire que le tourisme : ça rapproche les peuples, c’est le partage, la découverte de l’autre, un facteur de paix, etc. Cette version poétique n’est plus adaptée. Elle ne résiste pas à la confrontation d’un monde qui se transforme. Entre tout et rien, il y a une ligne de crête.»
Des solutions, toujours des solutions
D’où son crédo : « Avant de se poser la question de savoir comment sauver la planète, il s’agit d’abord de commencer par sauver l’humanité. La terre, elle a encore 4 milliards d’années à vivre. Quoi qu’il se passe, elle continuera. L’humanité ce n’est pas sûr. Au tourisme de jouer ce rôle salvateur.» Il explique : « Dans notre monde actuel, il y a 3 milliards de personnes qui vivent peu ou prou avec 2 à 3 dollars par jour. Cette population regarde les 4 autres milliards qui vivent sur la planète sans quasiment aucune perspective à court ou moyen terme. La principale question qui nous interpelle est bien celle de l’emploi ».
L’emploi, cette pierre angulaire….
Au tourisme de prendre le relai. Il détient tous les ingrédients pour sortir par le haut. Jean Pierre Nadir se justifie : « Le tourisme se trouve coincé uniquement sur cette question de CO2. Bien sûr notre mission consiste à baisser l’impact carbone, mais sans oublier d’augmenter l’impact social au nom de la variable qui est celle de l’apaisement du monde.».
Rêve ou réalité ? Dans tous les cas, il s’agit de réorienter l’offre touristique dite de ‘’redistribution’’ par opposition à celle dite de ‘’prédation’’. Seule solution pour : « créer un monde apaisé. » Il compte le faire à partir du local, et ce sans attendre : « Oui, je connais des hôteliers qui avancent dans les destinations et réinvente leur métier en direction d’un modèle vertueux. Avec Top of travel nous avons même sélectionné 3 clubs qui répondent en tous point aux principes de durabilité ».
C’est quoi la réinvention de l’offre touristique ?
C’est un hôtelier qui va réhabiliter sa structure avec les normes environnementales d’aujourd’hui, de créer un bâtiment avec des matériaux de proximité, d’installer une ventilation naturelle pour éviter la clim, de produire de l’énergie propre et même la redistribuer autour de lui, de retraiter les eaux grises, etc. Mais surtout de s’imposer de nourrir 80 % de son buffet avec des produits locaux. Ça donne de l’emploi, ça crée de la richesse autour de lui, ça fixe les populations qui seront moins tentées d’aller polluer dans les villes… D’où le lancement des Tops Clubs immersifs by Fairmoove.
Il faut changer de paradigme
Jean Pierre Nadir poursuit : « Quand on dit que le tourisme crée de l’emploi, c’est vrai et c’est faux. Quand c’est de l’emploi en Tunisie à 100 euros par mois pour une personne qui a comme seule préoccupation de savoir s’il va pouvoir nourrir sa famille le soir, qu’on ne me dise pas que le tourisme est bienfaiteur. Il est plutôt un exploiteur de la misère du monde. Mais si on aide les gens, qu’on les éduque, qu’on les paye mieux, alors là oui, on crée du bénéfice social. »
Valoriser et vendre les hôtels qui veillent l’intégration
« Mettre la photo des producteurs locaux dans les hôtels. Programmer des visites, en vélo électrique, des fermes alentour avec un parcours pédagogique. Le nouveau tourisme il est au contact. C’est un tourisme d’immersion. Un tourisme de proximité qui commence par les hôtels labélisés. »
Evaluer les labels
Pas facile pour autant de s’y retrouver dans les 40 labels existant pour sélectionner le bon établissement. Le fondateur de FairMoove à sa méthode. Il évalue les labels les plus pertinents pour n’en retenir que 5 : Eco label européen, EarthCheck, ClefVerte, Travel life et GeenGlobe. « Nous avons étudié pour chacun d’eux, le poids des critères en termes de politique environnementale, de responsabilité sociale, de sensibilisation de la clientèle, de la gestion des sites, du foncier et du bâti, des ressources, des déchets, des achats, etc. À l’arrivée, le but est d’établir une grille de qualification de 120 critères qui permet d’apprécier le plus finement possible une stratégie écologique, une politique sociale, ou une application en matière de biodiversité. »
L’unité hôtelière
Et pour les incrédules qui critiquent la démarche en estimant que l’unité hôtelière pèse très peu dans la dépense de CO2, il s’énerve : « ceux-là n’y connaissent rien. Leur analyse repose sur l’étude de la France qui bénéficie d’un indice énergétique favorable 7 et 15 kilos l’unité grâce au nucléaire. Mais pour Dubaï c’est 200 kilos l’unité. Vous voyez comme c’est important de prendre en compte cette mesure. »
Il y a des pays interchangeables, d’autres pas
Et de rappeler que c’est une démarche qui doit reposer sur l’ensemble des critères, à commencer par les destinations : « il y a des pays interchangeables, d’autre pas. Je peux remplacer l’Afrique du Sud, par la Tanzanie. Je passe ainsi de 4.5 tonnes à 3 tonnes. Si je ne veux pas faire autrement que d’y aller, je choisis un vol direct et un hôtel labélisé pour sa sobriété. »