En convoquant les « futurologues » pour établir un rapport sur l’avenir du voyage en 2024, le comparateur de vols Skyscanner s’est offert un joli coup de communication. L’enthousiasme du grand public et des professionnels ne se dément pas pour les vaisseaux spatiaux, les hôtels sous-marins et autres chambres d’hôtels à la James Bond. Aussi, à l’heure où, de Daesh à Ebola, les mauvaises fées se sont donné le mot pour empêcher les déplacements internationaux, nous projetons-nous dans un avenir que l’on veut plus serein, au royaume de l’imagination et de la créativité (lire p.42 à 49). Forcément pour le meilleur ? Pas sûr… Il y est beaucoup question des progrès fulgurants de l’intelligence artificielle, si fascinante et effrayante à la fois. Pour fonctionner à plein, la machine doit absorber son pesant de données personnelles. Vous savez, ces informations dont la protection serait, selon Google, une notion d’un autre âge (lire notre interview de J.-P. Nadir p.14 à 17). Ces informations que les plus jeunes trouvent normal de divulguer à tout-va sur les réseaux sociaux. Dès lors, on s’étonne du ton univoque et euphorique de ce rapport, qui présente toute avancée technologique comme la promesse d’un monde merveilleux. La surveillance des enfants « sur leur lieu de vacances ou tout autre lieu », grâce à des caméras rétiniennes ? Génial ! La proposition, grâce à des algorithmes surpuissants, de la visite de « quartiers où vous êtes le plus susceptible de rencontrer des personnes qui vous ressemblent et qui partagent vos goûts en matière de nourriture, boissons et fréquentations »? Top ! Surveillance de chaque instant, spirale de l’entre-soi… Tandis que la capacité technologique tient désormais lieu d’alpha et d’omega, osera-t-on poser la question de savoir pourquoi on veut faire tout ça ? Trop tard, direz-vous, le train est lancé. Sans compter que la posture moderniste impose de se féliciter de tant de confort et de bonheur annoncés. Mais nous ne sommes pas forcément au bout de nos surprises. Et si finalement le voyageur se rebellait contre les modèles prédictifs et les promesses de sécurité ? 2024 ne sera peut-être pas 1984…