À l’occasion de l’Assemblée générale du Board of Airlines Representatives (B.A.R. France) Jean Pierre sauvage vient d’aborder les thèmes principaux du transport aérien, sans oublier la situation concernant la décarbonation et bien entendu l’actualité de la nouvelle taxation
L’agenda de cette assemblée était riche et de nombreux acteurs se sont exprimés :
-DSNA - Frédéric GUIGNIER – Directeur des services de la navigation aérienne
-AIRBUS - Bertrand de LACOMBE - Responsable de la réglementation et des relations extérieures RSE
-Carburants Aviation Durable – Introduction de Didier BRECHEMIER, Senior Partner @ ROLAND BERGER, suivi d’une séance de questions réponses avec Alexander RECH, Head of Energy Transition Aviation @TotalEnergies
-Willie WALSH – Directeur Général
-DGAC – Damien CAZE – Directeur Général de l’aviation civile
Et en point d’orgue le discours du président Jean-Pierre SAUVAGE :
Monsieur le Directeur Général de l’Aviation Civile,
Monsieur le Directeur Général de IATA,
Mesdames et Messieurs les Présidents et Directeurs généraux,
Chers Amis,
L’année 2024 aura vu le transport aérien mondial, avec près de 4,9 milliards de passagers transportés, revenir à un niveau supérieur à celui de 2019 et, selon IATA, les perspectives de trafic pour 2025 nous permettent d’espérer franchir le cap des 5 milliards de passagers.
Les performances du transport de fret sont également à souligner avec une augmentation d’activité de 5,8%.
Pour ce qui concerne la France même si le trafic domestique peine à retrouver son niveau avant Covid, le trafic international l’a dépassé et nous pouvons nous en réjouir.
L’’industrie du transport aérien dans notre pays est un pilier essentiel de la prospérité économique et sociale de la France ou le secteur de l’aviation contribue avec plus de 1,3 million d'emplois et 4,8 % du PIB français à l'économie française.
Cependant, comme vous le savez notre industrie est soumise à des contraintes multiples, endogènes ou exogènes, la liste est longue, qui nous amènent toujours à appréhender l’avenir avec une certaine prudence prenant en compte les diverses problématiques auxquelles nous sommes confrontés dans un contexte économique national pour le moins compliqué laissant prévoir pour 2025 une croissance en berne inférieure à 1%.
Devant cette perspective faisant redouter une contraction de la demande dans des proportions difficiles à projeter aujourd’hui les milieux financiers n’ont pas manqué de manifester leurs inquiétudes quant à la productivité et la compétitivité de notre pays à l’instar des conclusions figurant dans le rapport édifiant émis en septembre 2024 par Mario DRAGHI suite à une commande la Présidente de la Commission Européenne.
Ce rapport sonne comme un signal d’alarme pertinent pour que la France agisse afin de préserver les bénéfices de la connectivité, et de soutenir le secteur dans sa quête pour atteindre ses objectifs de décarbonation et renforcer la durabilité du transport aérien du transport aérien.
Mais les conditions sont-elles réunies pour que notre industrie soit en mesure de relever efficacement ce challenge existentiel selon les requis définis dans le Pacte vert européen et son projet FIT for 55 (-55% pour cent d’émissions nettes de GES par rapport au niveau de 1993) d’atteindre l’objectif arriver à zéro émission nette de carbone en 2050 tel que fixé par l’OACI ?
I- La décarbonation du transport aérien
Tous les acteurs de notre écosystème sont concernés pour contribuer à sa réussite : avionneurs, motoristes, compagnies aériennes, contrôle aérien, producteurs d’énergie, aéroports sans oublier nos partenaires de la production et de la distribution des voyages d’affaires et de tourisme face au surtourisme générateur de déséquilibre environnemental.
Comme indiqué dans mon introduction le trafic mondial de passagers dépassera les 5 milliards de passagers transportés en 2025 mais pour autant est-ce que cette croissance de trafic doit conduire mécaniquement à une hausse des émissions de CO2 comme nous le prédisent certaines voix écologiques radicales si nous ne faisons rien pour la freiner ?
Rappelons seulement qu’entre 2000 et 2020 les émissions du transport aérien ont enregistré une diminution de 25,6% par passager kilomètre transporté (source DGAC-TARMAAC).
Il est d’ailleurs curieux d’entendre toujours le même mantra depuis plus de 20 ans quand le pourcentage de CO2 du au transport aérien demeure toujours au même niveau de l’ordre de 2,5% quand dans le même temps le trafic a plus que doubler.
Sous l’égide de l’OACI avec le programme de compensation CORSIA relayé par l’UE (ETS et green deal) le Transport aérien n’a pas attendu pour actionner les leviers de la décarbonation afin d’apporter les solutions appropriées à la question de comment concilier la croissance du trafic et la diminution des émissions gazeuses.
Évoquons maintenant trois leviers essentiels à la décarbonation du transport aérien
a) Le renouvellement des flottes
Pour leur part les acteurs de notre industrie mettent en œuvre le renouvellement des flottes (les avions de nouvelle génération consomment 25 % de carburant de moins que la génération précédente – et en passant, entre 40 et 50% de réduction acoustique - ce qui, ajouté a la substitution du jetfuel actuel par le CAD devrait permettre d’atteindre l’objectif de zéro carbone en 2050
Mais on ne peut occulter les difficultés actuelles de la chaîne d’approvisionnements incapable d’honorer dans les délais prévus les commandes d’avions passées pour faire face au développement du trafic créant ainsi une frustration énorme des opérateurs aériens devant une situation pesant sur leur revenus, les coûts et surtout sur leur performance environnementale.
En 2024 il a été enregistré un déficit de 30% dans les livraisons d’appareils par rapport aux prévisions du début de l’année et pour 2025 le nombre d’avions livrés devrait rester inférieur à celui de 2018.
Tous ces retards, en plus de désorganiser les plans d’expansion des compagnies font qu’a un moment crucial de la mise en œuvre de la décarbonation de notre activité, l’âge moyen de la flotte mondiale en 2024 se retrouve, avec 14,8 ans, plus élevé que la moyenne observée pour la période 1990-2024.
A cela s’ajoute la problématique des carences et retards dans la disponibilité des pièces de rechange pénalisant de manière cauchemardesque la régularité opérationnelle et le plan de développement des compagnies affectées par cette situation.
b) Le Carburant d’aviation durable (SAF)
Un autre point majeur de la décarbonation réside dans la nécessité de disposer d’une énergie durable SAF en quantité suffisante et à un coût d’exploitation économiquement acceptable.
L’augmentation de la production du carburant durable (SAF) est la clé fondamentale pour réduire les émissions de l’aviation et la question essentielle est de savoir comment y répondre technologiquement et économiquement.
Sur ce dernier point force est de constater qu’avec les niveaux de production actuelle nous sommes loin du compte permettant de couvrir les objectifs d’étapes fixés par l’UE pour 2025 et 2030 car même si la production de SAF aura, selon IATA, triplé entre 2023 et 2024, la production actuelle de 1,5 million de tonnes ne représente que 0,56 % des besoins en carburant de l’aviation.
L’État aura un rôle crucial à jouer pour soutenir le développement de la filière du carburant durable vitale pour la décarbonation de notre activité et nous souscrivons pleinement au rappel de IATA des propos prononcés par Emmanuel MACRON, notre président, déclarant qu’« Il fallait inventer l’avion bas carbone de demain. C’est un enjeu technologique et industriel majeur pour notre pays, et nous investirons massivement pour y parvenir d’ici 2030. » (Discours du Président Emmanuel Macron « France 2030 »).
Espérons que cette affirmation verra sa concrétisation rapidement au niveau de l’engagement promis.
c) La gestion opérationnelle du transport aérien
Le sénateur CAPO-CANELLAS éminent connaisseur du monde aérien a publié récemment un rapport qui nous amène à nous poser deux questions
1-Le ciel unique européen (SES single european sky) fonctionnera -t-il un jour comme il avait été prévu et sera-t-il en mesure d’assumer la promesse d’un ciel plus fluide et performant pour réduire l’empreinte CO2 ?
2-Quelles dispositions sont prises pour réduire les retards endémiques générateurs de coûts et d’émissions de Co2 supplémentaires
Selon le rapporteur la DGAC reconnaît que la performance opérationnelle peut être considérée comme « médiocre en comparaison de celle de nos partenaires ». Les retards moyens par vol imputables à la direction des services de la navigation aérienne (DSNA) sont en hausse depuis la sortie de la crise sanitaire dépassant les 2 minutes en 2023. Les retards constatés en France représentent environ 35 % du total européen.
Cette situation a de lourdes conséquences pour les compagnies aériennes : pour un vol, chaque minute de retard représente en moyenne un coût supplémentaire de 100 euros.
Sachant que la DSNA a géré 3,39 millions de vols en 2024 je vous laisse le soin de faire le calcul du préjudice subi pour les opérateurs aériens.
d) La décarbonation des opérations aéroportuaires
Par leur positionnement près des concentrations urbaines impliquant pour les populations voisines une perception sensible de leur impact environnemental, les aéroports ont un rôle également primordial dans la réalisation de l’objectif zéro émission carbone en 2050.
Nous saluons la présence des dirigeants des aéroports parisiens et de Nice et Toulouse et soulignons pour leurs efforts et leur travail en matière d’innovation dans la lutte contre les émissions gazeuses.
Nous appelons cependant les opérateurs aéroportuaires à ne pas promouvoir, sous prétexte de « verdir » leurs activités, des initiatives qui pourraient impliquer une augmentation des charges pesant sur les compagnies.
II- La gestion du bruit et les études d’impact d’une approche équilibrée (EIAE)
Dans le cadre des dispositions définies tant pat l’OACI (Résolution A33/7) que par le règlement européen (EU598/2014) des études d’impact d’une approche équilibrée de la gestion du bruit (EIAE) sont actuellement en cours sur les aéroports parisiens et certains aéroports régionaux.
La vocation de ces études d’impact est de concilier la réduction des nuisances pour les riverains avec la préservation des bénéfices socio-économiques du transport aérien pour le territoire et ses habitants.
On peut cependant se questionner sur les EIAE menées sur beaucoup d’aéroports français qui ne semblent pas prendre en compte le premier pilier essentiel formulé dans le règlement EU à savoir la réduction du bruit à la source.
C’est ce que les acteurs du transport aérien s’évertuent de faire depuis des années arrivant par le progrès technologique à réduire de quasiment la moitié de l’impact sonore avec les avions de dernière génération.
Alors évitons de tomber dans une situation paradoxale dans laquelle par volonté radicale de contraindre encore plus les opérations on découragerait les compagnies à investir dans le renouvellement des flottes.
Sur ce point nous exprimons nos craintes de voir remettre en question le scénario acceptable proposé pour l’aéroport d’Orly qui s’il devait être remis en cause causerait des dommages économiques considérables et irréversibles pour l’avenir de cette plateforme et l’économie des compagnies la desservant.
Nous restons également très attentifs aux développements du même processus se rapportant à l’aéroport de CDG et formulons le souhait qu’il n’ait pas à souffrir du syndrome de restrictions subi par Amsterdam-Schiphol.
III- La taxation permanente du transport aérien et de ses usagers
Madame BORNE alors ministre des Transports avait souligné, lors lancement des dernières Assises Nationales du transport aérien en 2018 l’importance stratégique du transport aérien pour notre économie nationale.
Par la suite en qualité de Première Ministre ne déclarait-elle pas « que la fiscalité environnementale n’a pas fait avancer la transition écologique »
Dont acte. Mais quand il est affirmé que la performance élevée du secteur aérien contribue à la santé économique du pays il semblerait toutefois, à l’annonce (Clément BEAUNE Ministre des transports) de la taxation dite TEITLD frappant les plus grands aéroports français et par voie de conséquence les compagnies aériennes et ,plus dernièrement, de celle de la taxe sur les billets d’avion (TSBA) ,que nos gouvernants ,sous couvert de justification environnementale ,ont un tout autre point de vue en ce qui concerne notre secteur d’activité en France malgré le poids économique qu’il représente.
Quand en plus pour justifier le maintien de cette dernière taxe dans le PLF 2025 la ministre des Comptes Publics n’hésite pas à évoquer une mesure de justice fiscale et écologique nous pouvons rester perplexe devant cette affirmation : serait-ce une nouvelle fois l’affirmation la vieille antienne stigmatisant l’aérien comme un moyen de transport réservé aux riches ?
Comme tous ’acteurs de notre industrie, nous nous élevons avec la plus grande vigueur contre cette mesure injuste frappant une industrie génératrice d’emplois et qui ne peut être considérée comme une variable d’ajustement budgétaire.
Nous ne pensons pas, comme entendu ici et là, que limiter le nombre de vols par personne voire d’augmenter drastiquement le prix du billet par l’adjonction de taxes soit vraiment une solution compatible avec les enjeux socio-économiques portés par le transport aérien.
Il est peut-être utile de rappeler que le transport aérien finance l’intégralité de son modèle de fonctionnement, infrastructures et opérations aériennes, et assume même la charge des fonctions régaliennes de l’État inhérentes à son activité.
Chers amis, malgré toutes ces contraintes et menaces qui pèsent sur notre industrie nous avons confiance dans la capacité de résilience et d’adaptation de tous les acteurs y participant pour que 2025 soit pour tous synonyme de succès dans l’accomplissement de vos missions au service de nos clients communs.
J’en formule au nom de BAR France le vœu le plus sincère et vous remercie de votre attention.