Un an après la collision entre un car scolaire et un train à un passage à niveau à Millas (Pyrénées-Orientales) provoquant la mort de six collégiens, plusieurs éléments de l'enquête mettent en cause la conductrice.
La quadragénaire, "dévastée" par la mort de six des 23 collégiens qu'elle transportait, avait été mise en examen moins d'une semaine après l'accident survenu le 14 décembre 2017 pour homicides et blessures involontaires par imprudence. "En l'état de l'instruction", les expertises démontrent que la conductrice du car aurait bien franchi le passage à niveau alors que les "barrières étaient fermées", indique à l'AFP le procureur de la République de Marseille, Xavier Tarabeux, à quelques jours de la commémoration du drame. "Les conclusions d'expertises ne montrent aucun dysfonctionnement du passage à niveau. Les avertisseurs sonores et lumineux étaient en état de fonctionnement", souligne le représentant du parquet de Marseille compétent pour les accidents collectifs.
Des témoins, notamment dans les véhicules qui se trouvaient en face du car, ont également confirmé que les barrières étaient fermées au moment de l'accident, rapporte M. Tarabeux tout comme le conducteur du TER lors de son audition peu après la collision.
Une expertise en accidentologie a récemment montré que la conductrice du car avait freiné brutalement après une phase d'accélération et que l'origine de l'accident provenait d'un freinage tardif de la conductrice. "L'analyse de son téléphone portable a néanmoins permis d'écarter toute utilisation de l'appareil avant l'accident", précise le procureur. "Une remise en situation générale programmée dans les prochains mois sur le lieu de l'accident" devrait permettre aux experts d'en savoir encore davantage, précise M. Tarabeux, alors que la conductrice maintient la même version depuis le début de l'enquête.
Interrogée à trois reprises, elle soutient que "les barrières du passage à niveau étaient levées". "Elle n'a pas changé, elle maintient ses déclarations", a indiqué à l'AFP son avocat, Me Jean Codognès, qui précise que sa cliente est "toujours suivie par un psychiatre".
- "Responsabilité du médecin" ? -
Sous somnifères depuis plusieurs années avant l'accident, a-t-elle pu voir son comportement modifié par la prise de médicaments, comme le suggère l'avocate de trois familles endeuillées Me Jehanne Collard ? C'est ce que devra établir prochainement l'expertise médicale d'aptitude à la conduite, selon le procureur. Les premiers examens médicaux montrent cependant "des traces thérapeutiques ne révélant pas d'excès", précise-t-il.
Elle prenait depuis sept ans du +Zopiclone+ "qui a des effets lourds quand il est pris sur la durée. Probablement cette femme a eu une absence", observe Mme Collard. "Elle n'a jamais caché qu'elle conduisait des enfants. Donc la question se pose de la responsabilité du médecin" qui prescrivait ce médicament, interroge l'avocate.
Les familles "souhaitent que la justice aille jusqu'au bout", se penche sur la responsabilité du médecin traitant, "voire de la médecine du travail, voire de l'entreprise" qui l'employait, insiste l'avocate rejointe en partie par la Fédération nationale des victimes d'attentats et d'accident collectifs (Fenvac), partie civile dans le dossier.
"L'issue dramatique de la catastrophe de Millas impose de se questionner sur le rôle des praticiens assurant le suivi de ces patients, professionnels du transport", souligne la Fédération, favorable à un "assouplissement du secret médical".
"L'enquête est encore loin d'être finie, il est bien trop tôt pour parler de procès", souligne le procureur évoquant des demandes possibles de contre-expertises.