Le 29 décembre dernier, le Costa Smeralda, géant des mers de 337 mètres de long et pouvant accueillir 6.600 passagers, a effectué son escale inaugurale à Marseille. Sa spécificité ? Être le deuxième paquebot de croisière au monde - sur les 250 en activité - à utiliser du gaz naturel liquéfié (GNL).
Ce carburant qui n'émet pas de dioxyde de soufre, réduit jusqu'à 20% les émissions de CO2, et de plus de 95% les particules fines, selon le groupe Costa. "Nous travaillons depuis des années sur cette technologie qui est un véritable défi. Le GNL est ce qui se fait de mieux aujourd'hui, c'est le carburant fossile le plus propre", résume Raffaele d'Ambrosio, vice-président Europe du Nord de Costa Croisières.
Actuellement, 26 paquebots destinés à être propulsés au GNL sont en construction ou en commande ferme dans les chantiers navals, soit 44% de l'ensemble des navires en projet dans le monde. Au 1er janvier 2020, la teneur en soufre des carburants marins a été limitée à 0,5%, contre 3,5% auparavant, par l'Organisation maritime internationale.
"Les réglementations sont de plus en plus strictes et les bateaux en construction les intègrent. Cette préoccupation de l'environnement ne concerne pas seulement l'armateur mais aussi le constructeur. Et l'objectif ultime de tous reste bien sûr le «zéro émission grâce à un mix technologique", met en avant François Lambert, délégué général du Groupement des industries de construction et activités navales (Gican).
"Le GNL n'est qu'une technologie parmi d'autres pour améliorer l'existant, ou à tester sur ce qui se construit, comme les piles à combustible" pour stocker l'énergie, renchérit Erminio Eschena, président de Clia France qui regroupe les principales compagnies de croisière.
Celui-ci déplore que le secteur subisse "une attention surdimensionnée en matière de pollution, alors que des efforts et des investissements sont consentis depuis des années : un paquebot au GNL coûte un milliard d'euros".
- En attente de prises -
"Nos bateaux sont déjà 100% autosuffisants en eau grâce à des usines de désalinisation à bord. Toute la nourriture est pesée, les déchets sont triés à bord. Et les repas non servis sont débarqués lors des escales pour les banques alimentaires : 160.000 repas ont été distribués depuis fin 2017", renchérit Georges Azouze, président de Costa France.
L'industrie de la croisière rappelle également que le transport maritime dans son ensemble n'est responsable que de 2 à 3% des émissions de CO2, alors qu'il assure plus de 85% du commerce mondial.
Mais les professionnels de la croisière ne veulent pas être les seuls à porter les efforts vers la transition écologique : "il faut que tout l'écosystème participe. Si on a des paquebots au GNL, il faut pouvoir les approvisionner", relève Erminio Eschena, président de Clia et également représentant du croisiériste MSC. Il pointe le manque d'équipement dans les ports qui contraint les paquebots à laisser tourner leurs moteurs lors des escales pour permettre la vie à bord. "Nos navires sont équipés depuis des années pour se brancher sur l'électricité à quai, mais seuls 13 ports dans le monde proposent des branchements, et aucun en Europe".
Marseille devrait s'équiper d'ici 2025, une gageure technique car un géant des mers "consomme à quai l'équivalent en électricité de la ville de Toulon", soulignait récemment le président LR de la région Provence-Alpes-Côte-d'Azur Renaud Muselier. Une escale de paquebot de croisière dans un port ne dépasse pas en général une douzaine d'heures.
Le même problème se pose pour l'approvisionnement en GNL : en Europe, "les barges spécifiques sont présentes uniquement à Barcelone, donc tous les quinze jours" le Costa Smeralda et l'Aida Nova, premier paquebot GNL lancé fin 2018, doivent s'y rendre pour faire le plein.
Le secteur de la croisière, en perpétuelle croissance, attend 32 millions de passagers en 2020.