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Entretien avec Christian Mantei, directeur général d’Atout France

Bus & Car - Tourisme de Groupe | Destinations | publié le : 05.04.2018 | Dernière Mise à jour : 05.04.2018

Christian Mantei - Directeur général Atout France

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Auteur

  • Bruno Courtin

A la veille du grand rendez-vous annuel qui permet à plus de 900 tour-opérateurs étrangers de venir « faire leur marché » parmi les propositions des prestataires français, Christian Mantei revient avec nous sur la situation actuelle de la France comme destination touristique.

 

Il insiste notamment sur la place des groupes dans le dispositif, sur les préoccupations du "surtourisme", mais aussi sur les bonnes orientations de l’offre française. Sans fanfaronnade sur les succès acquis, mais sans dramatisation sur les sujets qui inquiètent, il se livre avec nous à un exercice de transparence qui implique dans la réflexion sur l’avenir tout autant les territoires que les professionnels du tourisme.

En évoquant les bonnes performances de la fréquentation touristique française par la clientèle étrangère, on les justifie par le rebond enregistré en 2017. Ce rebond est-il un soulagement, une satisfaction, une fierté ?

C’est un peu des trois, mais je commencerai par une vraie part de fierté car je suis pas tout seul, en tant qu’Atout France, a pouvoir nous l’attribuer. Nous avons su jouer collectif après les terribles événements de 2015 et 2016. L’impulsion est venue de l’Etat qui a mis vraiment 10 millions d’euros sur la table pour relancer la promotion, accompagnée par 9 millions trouvés auprès des partenaires. Cela représente 300 opérations supplémentaires dans 40 pays, précédées par une stratégie originale qui a bien fonctionné. Je veux parler d’une stratégie d’influence pour « préparer le terrain ». Relancer une promotion classique juste après l’attentat de Nice et celui du Bataclan aurait quelque chose d’indécent, voire de contre productif. Nous avons discuté avec tous les partenaires, élus nationaux, territoriaux, professionnels pour avoir la bonne attitude : d’abord fait parler la puissance publique dans les pays clefs qui a pu expliquer les mesures prises, rassurer les organisations professionnelles, les voyagistes et distributeurs étrangers, convaincre de l’efficacité des décisions en matière de sécurité, éviter les déprogrammations. Nous avons activé les réseaux sociaux pour que les visiteurs qui revenaient d’un voyage en France « postent » des images positives. Ce n’est qu’ensuite que nous avons lancé toutes ces opérations de marketing global ou ciblé de façon massive.

Y avait-il urgence ? On a tendance à dire, par expérience, que la situation se rétablit d’elle-même sur la durée…

Le contexte a évolué. Dès qu’il y a une place vide, elle est rapidement occupée par des destinations qui avancent leurs pions… L’Espagne bien sûr pour le balnéaire et la culture dans les villes, l’Italie aussi, mais également des destinations dont on ne penseraient pas à priori qu’elles pouvaient nous prendre des parts de marché, comme l’Allemagne. C’est une destination très dynamique, très ouverte sur le monde, qui a réussi à séduire ses propres habitants à rester chez eux et à détourner une partie de notre clientèle habituelle du Benelux, par exemple. Nous sommes toujours leader auprès de la clientèle chinoise, mais nous avons aussi subi des pertes l’an passé au profit de l’Espagne, l’Italie, la Suisse.

Je reviens sur le terme soulagement, aurait-on pu craindre un affaiblissement plus durable de notre destination auprès des étrangers ?

Nos premières analyses laissaient penser que la dimension conjoncturelle de baisse de fréquentation de la France pouvait prendre dix-huit à vingt-quatre mois avant de s’estomper. Donc, oui un soulagement de voir que la réactivité des marchés a été plus forte. Mais cette crise a aussi fait ressortir des faiblesses structurelles en matière d’offre touristique française. Les investissements en infrastructure, en équipement notamment d’accueil de ces dernières années ne sont pas suffisants. Il faut le reconnaître.

Au-delà même des questions de sécurité qui sont apparues après les attentats, un document édité par Atout France sur les freins à la visite fait ressortir le prix des prestations comme l’un des trois obstacles sérieux. Quelle serait la réponse ?

La seule réponse possible pour nous, c’est la qualité. Pour toutes sortes de raisons, la France sortira forcément un peu plus chère que nos concurrents, donc nous devons justifier cette différence par une offre de qualité, quelle qu’elle soit et sur tous les territoires. Cela justifiera d’autant plus que nous gagnions aussi des places en termes de recette moyenne par visiteur. Nous ne devons pas suivre une politique de mass market, plus adaptée à certains de nos concurrents, mais viser la prestation de qualité à valeur ajoutée.

Cette stratégie est-elle compatible avec les annonces publiques et officielles d’atteindre le cap des 100 millions de séjours internationaux à l’horizon 2020 ?

C’est tout à fait jouable, sans ignorer les difficultés que cela va présenter. Notre défi est de faire cohabiter sur un même territoire les primo visiteurs, notamment en provenance des marchés asiatiques, qui constituent un immense réservoir de clients potentiels, mais pas que ceux-là – je pense en particulier au continent africain - et les « repeaters » ou les touristes « initiés », ceux qui vont explorer d’autres pistes, d’autres expériences avec une plus grande recherche de qualité de prestations. Oui, il ne faut pas se le cacher, il y a un risque de friction provoquer par une forme de "surtourisme" que les grandes destinations subissent en ce moment.

Est-ce devenue une véritable préoccupation, en France comme ailleurs ?

C’est un sujet qui a été largement abordé lors du dernier ITB de Berlin et sur lequel l’OMT alerte ses adhérents. Les primo visiteurs veulent en priorité voir les « Must », Paris, le Mont St-Michel, les châteaux de la Loire… A Paris, je le répète souvent, 80% des attractions majeures sont concentrées le long de la Seine. Je pense que la prise de conscience est réelle, entretenue par quelques réactions épidermiques des habitants des destinations les plus en pointe en matière de sur-tourisme, à Barcelone ou Venise. Il ne doit pas y avoir de contradiction apparente avec ce tourisme plus qualitatif, voulu par les Européens, les Américains ou les Sud-Américains.

Quelles sont les pistes que vous explorez à ce jour ?

Ce n’est pas un sujet facile et il n’y a pas de réponse toute prête. Ce dont nous sommes convaincus, et les professionnels avec nous, c’est d’éviter la spirale infernale qui conduise à la dégradation des sites, au rejet des populations locales, à la baisse des recettes. Il est porté désormais au niveau international, avec l’OMT, pour retrouver de bons équilibres, faire des tests, réguler les flux, favoriser les réservations.

Dans cette stratégie, le tourisme de groupe n'est-il pas un formidable allié car la maîtrise des flux est l’une de ses préoccupations ?

C’est tout à fait vrai car, à travers le tourisme de groupe, on rétablit l’intermédiation. On retrouve un interlocuteur que l’on a perdu avec la généralisation du tourisme individuel. Nous pouvons trouver des formules avec les agences réceptives, avec les autocaristes, pour cogérer les fréquentations des sites les plus sollicités. C’est vraiment un sujet majeur qui doit nous mobiliser car un simple calcul sur l’arrivée dans les prochaines années des 11 millions de visiteurs supplémentaires conduit à ce qu’au moins 8 millions débarquent à Paris.

C’est quand même un problème de riches quand on y pense…

Cela n’en reste pas moins un problème avec des conséquences qui peuvent être cruelles pour notre activité. Nous avons effectivement la chance d’être sur un marché mondial en croissance régulière de 4 à 5% annuels depuis 15 ans, c’est du jamais vu. Cela doit nous inciter encore davantage à anticiper d’autant que nous devons garder la tête froide sur nos performances, elles s’améliorent aussi « avec l’eau du bain » qui monte toute seule tant que le robinet est ouvert. Les primo visiteurs ne connaissent pas vraiment de saisonnalité, compte tenu de la relative diversité des origines, mais c’est moins le cas des « repeaters », qui viennent pour d’autres motivations. Il peut y avoir des pistes pour favoriser des inter saisons, des territoires moins chargés.

Pour revenir à la politique de qualité qui fait partie de la stratégie, comme peut-elle se traduire sur le terrain ?

Il faut se souvenir que l’économie touristique est essentiellement une économie de l’offre, une offre qui s’adapte à la demande et qui met parfois du temps à se mettre en place. C’est l’une des missions essentielles d’Atout France, celle d’accompagner l’ingénierie de l’offre, la création de nouvelles propositions. Nous constatons avec satisfaction des secteurs entiers qui sont en mouvement comme la Culture et le Patrimoine, notamment dans les grandes villes qui investissement lourdement dans de nouveaux musées, dans des restaurations, des rénovations à Bordeaux, à Marseille, à Lyon, Lille, à Nantes et d’autres encore. Il faut se souvenir qu’il y a vingt ans aucune de ces villes n’avait de fréquentation touristique importante. La déclinaison est en train de s’opérer dans les villes moyennes, dès lors qu’elles sont accrochées à une marque mondiale, comme Provence, Normandie ou Val de Loire. Dans la continuité de ce patrimoine architectural, le patrimoine vivant, l’artisanat d’art, les festivals constituent une formidable piste à développer.

Quelle est la place des territoires dans cette stratégie ? La loi NOTre n’a pas bien réglé la répartition des responsabilités…

La loi n’a pas été jusqu’au bout de la logique de répartition des compétences. Dès lors chaque région apporte sa propre réponse. Ce sera, comme souvent, le budget qui déterminera qui sera le pilote de la politique touristique. Nous prônons une approche complémentaire, plus participative et collaborative, celle des Contrats destination, autour des « marques mondiales ». Il y en a 16 à ce jour (Paris, Provence, Bordeaux, Champagne, Normandie, Bretagne, Bourgogne, Alpes-Mont Blanc, Côte d’Azur, Corse, Val de Loire, Alsace, Lyon, Biarritz Pays Basque, Toulouse-Pyrénées, Languedoc-Méditerranée). La réflexion porte à un élargissement vers des marques « internationales » qui dépassent les frontières sans forcément avoir une résonance mondiale, comme le Mont Saint-Michel. En gardant l’esprit de la mutualisation des moyens et des compétences.

Y-a-t-il des filières qui sont en train de prendre une nouvelle dimension ?

Ce sont souvent des filières existantes depuis longtemps et qui sont en pleine dynamique, je prends l’exemple de l’art de vivre et la gastronomie qui vit une renaissance avec l’arrivée de la bistronomie, de la haute cuisine accessible, l’œnotourisme encore balbutiant il y a quelques années s’est organisé, labellisé, structuré. De filières profitent justement de l’événementiel comme le golf qui va profiter de l’organisation de la Ryder Cup en France… du cyclo tourisme qui profite de tous les équipements mis en place par les collectivités. Ce sont surtout des filières intéressantes pour répondre à la demande des repeaters, sur lesquelles il est plus facile de pousser la valeur ajoutée.

Nous avons déjà abordé rapidement le tourisme de groupe et sa possible contribution dans la régulation des flux, c’est pourtant un secteur qui se sent peu considéré…

Il y a une forme d’injustice dans la vision que l’on a du tourisme de groupe et de ses acteurs, comme les autocaristes ou les transféristes. Ils sont essentiels dans l’économie touristique, dans sa régulation, mais on n’en voit souvent que l’apparence extérieure. On voit l’autocar devant la cathédrale et pas les centaines de voitures qui sont garées autour. Comment pourra t-on gérer les grands événements que la France a gagnés récemment, la Ryder Cup, le Mondial de Rugby, les JO de Paris sans l’apport des autocars ? Chacun d’entre nous, à un moment ou un autre de son activité, fait ou fera partie d’un groupe. Il faut rétablir une vision plus positive et ne pas se concentrer sur les « nuisances » évoquées pour le stationnement ou la pollution aux particules fines. Il y a un travail à mener ensemble dans ce sens.

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