Depuis près de 30 ans, Culturespaces gère des « institutions culturelles » et en crée de nouvelles avec pour objectif premier de les ouvrir à la visite de manière ludique.
Avec un réel acharnement, l’entreprise, née dans le giron d’Havas Tourisme, veut réconcilier le monde du loisir et celui de la Culture. Pari gagné, tant les chiffres sont parlants.
Culturespaces peut sembler difficile à classer, tant l’entreprise multiplie les métiers, passant de la gestion de monuments et musées, au montage d’expositions et désormais à la création artistique autour de lieux, totalement réinventés. Au bout de 30 ans, Bruno Monnier, son fondateur et président, n’est pas peu fier de voir Culturespaces se situer dans les premières places du récent classement des institutions culturelles en nombre de visiteurs accueillis, à quasi-égalité avec le Musée d’Orsay, excusez du peu ! Et c’est bien là sa principale satisfaction, recevoir dans les sites en gestion quelque 4 millions de visiteurs annuels.
Tout a effectivement commencé en 1990 avec un contrat de la gestion du Palais des Papes pour le compte de la municipalité d’Avignon. L’affaire génère des bénéfices à la grande satisfaction des édiles, et les contrats s’enchaînent, avec notamment la gestion de la Villa & Jardins Ephrussi de Rothschild à Saint-Jean-Cap-Ferrat, puis celle du Château des Baux-de-Provence et du Château de Valençay. Dès ce moment, l’approche est innovante, il s’agit d’y créer des parcours de visite originaux, utilisant pour la première fois en France des audioguides gratuits et des animations régulières.
« J’avais remarqué en visitant Stonehenge en Angleterre qui distribuait ces audioguides aux visiteurs pour aller d’un mégalite à un autre que les gens restaient beaucoup plus longtemps et qu’ils se passionnaient davantage pour la visite », explique Bruno Monnier.
Suivent la gestion déléguée du Musée Jacquemart-André avec l’organisation d’expositions temporaire, une nouvelle première dans cette honorable institution. L’éclectisme est déjà une marque de fabrique de Culturespaces à qui on confie la complète réorganisation muséographique de la Cité de l’Automobile de Mulhouse et la gestion de la Villa Kérylos à Beaulieu-sur-Mer.
C’est avec la prise en gestion du Théâtre Antique d’Orange en 2002 et des monuments romains de Nîmes en 2006 que Culturespaces prend une nouvelle orientation avec l’organisation de reconstitutions historiques. Une expertise que l’entreprise mettra en œuvre au champ de Bataille de Waterloo.
Le mariage de la culture et du numérique
2012 est une année charnière. La reprise de la gestion des Carrières de Lumières des Baux de Provence ouvre un nouvel espace de créativité, mêlant l’image numérique et la musique dans un nouveau type d’expositions immersives. Au passage, Culturespaces décide d’investir et ne plus seulement gérer, reprenant un Hôtel de Caumont et ses jardins à l’abandon à Aix-en-Provence, pour en faire le second centre d’art le plus visité de la région (plus de 300 000 visiteurs annuels) après une totale rénovation et grâce à ses expositions temporaires de dimension internationale.
Mais Bruno Monnier le pressent, l’avenir passer par le développement de « centres d’art numérique ». Cela se traduit par la création de l’Atelier des Lumières à Paris, sur le modèle de la Carrière des Baux, et plusieurs projets qui se concrétisent en Corée avec le Bunker des Lumières et à Bordeaux l’an prochain à travers la création des Bassins de Lumières dans l’ancienne base des sous-marins, qui représente 5 fois la surface de l’actuel Atelier de Paris.
L’expertise dans le domaine est aujourd’hui reconnue partout dans le monde et les appels se multiplient en provenance de Thaïlande, du Mexique et même des États-Unis pour « copier » ou adapter le modèle numérique immersif.
« Il y a aujourd’hui une mondialisation de l’exposition temporaire. Elles se multiplient, ce qui rend leur organisation de plus en plus complexe et coûteuse quand il s’agit de faire voyager des œuvres et de les assurer », explique le P-DG pour justifier son orientation. « Cette tension sur le système nous a conduit à privilégier la voie digitale, l’approche numérique immersive qui apporte une vision et une compréhension des œuvres totalement différentes. Sur un même thème ou un même artiste, l’approche numérique, plus accessible et plus ludique d’une certaine façon, multiplie par trois le nombre de visiteurs sur une exposition. Je pense que nous avons contribué à faire connaître Klimt auprès d’un public qui n’aurait pas eu l’envie d’aller le voir en exposition traditionnelle ».
La condescendance des milieux bien-pensants
Cette « révolution » dans la démarche culturelle surprend encore dans les « milieux bien-pensants de la Culture ». Pendant de longues années, Bruno Monnier et ses équipes doivent faire face à une forme de condescendance des milieux culturels vis-à-vis de l’exploitation au profit du plus grand nombre. « Mais je dois dire que cela a aussi été une chance », constate le président, « cela nous a obligé à nous éloigner très vite des schémas classiques de l’économie culturelle subventionnée pour inventer des modèles économiques fondés une approche responsable et sur le succès populaire ». Un détail suffit à montrer cette différence d’approche puisque tous les sites Culturespaces sont ouverts 7 jours sur 7, contrairement à la plupart des musées publics.
Cette volonté d’une approche maîtrisée de qualité de l’expérience du visiteur a conduit à maîtriser aussi complètement la chaîne de valeurs, de la boutique à la librairie, de l’organisation des expositions à la gestion de la restauration.
Une approche spécifique des groupes
Au-delà de la démarche numérique, Culturespaces poursuit son développement par la reprise en gestion de sites souvent sous-exploités comme la Villa Méditerranée, qui jouxte le Mucem sur le port de Marseille, fermée depuis quelques temps. Culturespaces y a proposé d’y présenter une réplique de la grotte Cosquer, une grotte ornée paléolithique située dans la calanque de la Triperie, à Marseille, près du cap Morgiou, difficilement accessible au plus grand nombre.
Dans l’univers culturels où les groupes sont parfois perçus comme des perturbations à une visite plus feutrée, Culturespaces joue aussi la carte de la différence en personnalisant l’accueil. « Au-delà de la gratuité même pour le parking des autocars, nous souhaitons avoir des visites à plusieurs degrés », explique le président. « Nous avons scindé nos propositions pour s’adapter au profil du groupe, que ce soit un accueil plutôt VIP avec visite privée et prestations « Plus », à une approche plus pédagogique pour les groupes scolaires, en nombreuses langues pour les visiteurs étrangers, avec conférencier pour les groupes culturels qui sont plus exigeants… Cela se traduit par un réel intérêt des groupes de touristes pour les sites que nous gérons, nous y avons accueilli l’an passé par loin d’un million de visiteurs en groupe. C’est près d’un quart du total ».
Bruno Monnier, P-dg de Culturespaces, un parcours atypique
Diplômé de Sciences Po Paris – section Eco-Fi en 1976, Bruno Monnier renforce ses compétences d’entrepreneur avec une licence en droit des Affaires et un MBA à HEC. Mais en parallèle, il poursuit des études d’Histoire de l’Art à l’Ecole du Louvre, montrant déjà une forme d’éclectisme qui le suivra dans toute sa carrière.
Entré à la direction générale d’Havas Tourisme, du temps de Christophe Charpentié et de Serge Weinberg, il en dirigera la filiale belge, avant de prendre la direction Marketing de l’ensemble du groupe. Rappelé par sa passion pour l’art, il fait une première incursion dans le monde de la Culture, au cabinet de Philippe de Villiers, puis de François Léotard, pour conduire la mission Patrimoine 2000, une réflexion sur l’attractivité du patrimoine français, suivi par une mission de réorganisation des visites au château de Versailles.
Après cet épisode dans l’univers de la haute administration, il revient chez Havas Tourisme pour y créer la division Culturespaces. Ce sera d’abord un cabinet conseil auprès des collectivités territoriales pour gérer leur patrimoine culturel, dans l’esprit des grandes fondations anglosaxones. Du conseil, l’entreprise passe à la réalisation en mettant en place les délégations de service public avec un premier contrat au Palais des Papes à Avignon.
Fort de ses succès, Culturespaces prend son autonomie et Bruno Monnier en assure la présidence depuis près de 30 ans. Loin de limiter son territoire à la France, il affiche de sérieuses ambitions internationales.
Les Bassins des Lumières de Bordeaux
L’ancienne base sous-marine de Bordeaux va accueillir au printemps 2020 un nouvel espace consacré à des expositions numériques immersives. Les Bassins des Lumières, quatre bassins en eau de 12 m de haut, 100 m de long et 22 m de large, représentent deux fois la surface des Carrières aux Baux-de-Provence et se présenteront comme l’une des plus grandes installations multimédia au monde. Il proposera des expériences visuelles et sonores de haute qualité conçues sur-mesure, grâce à la technologie Art & Music Immersive Experience, développée par Culturespaces, permet la projection d’expositions numériques immersives réalisées sous la direction artistique de Gianfranco Iannuzzi.
La visite s’effectuera sur des passerelles au-dessus de l’eau et le long des quais des bassins avec en simultané une exposition numérique consacrée aux grands maîtres de l’histoire de l’art, et des créations numériques d’artistes contemporains de l’Art immersif dans un espace dédié : « Le Cube ».
Culturespace en chiffres
- 14 sites en gestion
- 13 expositions temporaires par an
- 18 projets d’exposition en préparation en continu
- 4 millions de visiteurs en 2018
- 92% de taux de satisfaction