Jean Pochoy est ancien vice-président exécutif d'Euro Disney, c'est dire qu'il a une connaissance approfondie du monde du loisir et il partage son point de vue sur celui des acteurs des Villages Vacances dans le contexte actuel. Anciennement Villages Vacances de la Poste, Azureva gère aujourd’hui 43 établissements dans 37 destinations en France depuis 68 ans.
Vous avez manifesté vos craintes sur le secteur de l’hébergement de loisirs quand viendra le moment de rembourser les PGE, présentés comme un poison autant que comme un remède...
Je voudrais d’abord dire heureusement que le plan de soutien a mis en place ces mesures et qu’elles sont encore là, notamment en matière chômage partiel et de trésorerie via les PGE et les décalages de charges. Mais quand l’année de franchise sera écoulée, même si elle est prolongée, il faudra procéder au remboursement sur cinq ans alors que rien ne dit que la conjoncture économique sera suffisamment bonne pour dégager les marges nécessaires. Mathématiquement, c’est un exercice qui sera très compliqué pour beaucoup d’opérateurs.
Les craintes sur l’absence de reprises se manifestent-elles déjà concrètement ?
Dans le secteur des villages de vacances, on sait déjà que l’hiver ne sera pas une bonne saison. On constate des retards importants de réservation par rapport à l’an passé.
Vous préconisez à court terme un engagement financier en fonds propres d’institutions comme la Banque des Territoires…
En effet, j’ai évoqué l’intérêt d’une entrée dans le capital de nos entreprises d’institutions comme la Banque des Territoires, mais pas seulement, car je pense qu’il y a des mutuelles qui ont des besoins de placement sur le long terme. Il faut accompagner nos structures pour relancer un nouveau modèle.
Iriez-vous jusqu’à préconiser de céder des actifs à des sociétés foncières qui deviendraient vos propriétaires avec un contrat de gestion ?
Mon analyse personnelle est que cette solution présente un intérêt seulement si les foncières peuvent dégager aussi des financements pour entretenir le parc immobilier. Il faut reconnaître que dans nos structures, souvent issues du tourisme social, les installations sont vieillissantes. Il ne faudrait pas faire le mauvais calcul de vendre un bien uniquement pour assurer son exploitation sans avoir les Capex de sa rénovation ou transformation.
Le succès estival des zones plus rurales et de la montagne, associé au besoin exprimé de lien social, peut laisser penser que vous êtes une forme du tourismend’avenir. Le vivez-vous comme tel ou comme un phénomène conjoncturel ?
La crise sanitaire a révélé des valeurs de proximité, de lien social, d’expérience humaine, dans un cadre naturel qui ouvrent effectivement de nouvelles opportunités pour le secteur des villages de vacances. Finalement, on a mis un coup de projecteur sur ce que l’on vend depuis 60 ans, notamment à travers l’ancrage régional et la mise en valeur des producteurs locaux.
Vous avez déjà engagé le réseau Azuréva dans la thématisation de vos villages pour renforcer la notion d’expérience. Allez-vous aller plus loin encore ?
Nous allons davantage pousser toutes les animations et thématisations autour de thèmes porteurs comme la gastronomie, l’œnologie, la nature. Contraints ou non, les vacanciers feront moins de distance que par le passé, il faut pour autant qu’ils aient un sentiment de dépaysement réel, de même nature qu’ils trouvaient à l’étranger. La thématisation est un moyen, sans doute pas le seul. L’ancrage régional est encore plus important en jouant de cette extraordinaire diversité dont jouit la France.
Est-ce que ces orientations vont déjà se traduire dans vos propositions de 2021 ?
Pour être très honnêtes, la saison pour nous commence dans quelques semaines et nous serons encore dans une phase de gestion de la crise, de ses conséquences. Même si la réflexion est engagée, les moyens que l’on pourrait dégager ne sont pas évidents sur une année qui s’annonce difficile, voire très difficile. Il y a encore beaucoup d’incertitudes sur les possibilités de déplacement à Noël. Notre objectif est d’être prêts pour la vraie sortie de cette situation.
Est-ce collectivement, les opérateurs de villages de vacances éprouvent le besoin, l’envie de communiquer sur une formule qui est dans l’air du temps ?
La première chose est que cette crise nous a rapproché et que même si nous sommes concurrents, il y a une réflexion commune qui s’opère. Il n’y pas eu non plus d’agressivité commerciale entre nous. Nous nous retrouvons beaucoup au sein de l’Unat (*) qui a élaboré un site qui présente toute l’offre des villages de vacances. Nous sommes en train d’explorer le chemin qu’ont trouvé les artisans pour faire passer des messages collectifs. C’est un projet qui est complexe car les positionnements sont différents et il faut trouver le point commun qui justifie une prise de parole nationale. Mais la crise a placé certaines valeurs à un niveau amplifié que l’on doit valoriser. Nos modes de fonctionnement et la préoccupation sociale vis-à-vis de nos salariés sont aussi des arguments qui peuvent contribuer à notre image positive.
(*) Union nationale du tourisme social et solidaire