Le président du réceptif A La Française a éprouvé la nécessité, avec d’autres confrères, de faire davantage reconnaître la spécificité des opérateurs du tourisme sur notre territoire. Qu’ils soient agences réceptives ou producteurs d’activités touristiques, ils pèsent lourd dans le PIB du Tourisme sans en retrouver la reconnaissance. Sa vision de l’offre et de son organisation nous a semblé pertinente au moment où l’on redécouvre nos territoires.
Quelles sont les raisons de la création de Great France ?
Derrière l’acronyme, il y a le Groupement des Entreprises d’Activités Touristiques en France, des acteurs de la production et de la commercialisation du tourisme sur notre territoire qui sont mal organisés et donc mal représentés. Les Entreprises du Voyage fédèrent les agences qui ont un même code APE et parmi lesquelles il y a une minorité d’agences réceptives. Nous avons vocation à rassembler bien au-delà car nos adhérents fonctionnent sous plusieurs codes et n’ont pas tous la nécessité de s’inscrire à Atout France. Pour autant, chacun est un maillon de la chaîne qui construit le produit touristique France. Nous avons à peine trois mois d’existence, mais avec un potentiel immense.
Quels sont vos dossiers prioritaires ?
Le premier est celui de la survie, car pour une large part les entreprises adhérentes ont perdu de 60% à 90% de leur activité depuis le début de la crise. Nous avons déjà établi un contact avec la DGE. Mais une fois passé ce cap, notre véritable combat est de porter la parole d’un secteur éclaté qui se débat avec des taux et des règles de TVA différentes, et de donner de la cohérence à notre secteur via un code APE unique. Il doit traduire ce qui est notre point commun à tous, l’hospitalité à la française, qui s’exerce à travers trois grandes activités : le transport et les déplacements, l’hébergement au sens large – et j’y inclus même Airbnb – et les activités touristiques sous toutes leurs formes et dans l’ensemble des territoires. De plus en plus, ce sont ces activités qui déclenchent le choix de la destination et – étude à l’appui – les voyageurs sont prêts à y consacrer un budget plus important.
Comment jugez-vous la qualité actuelle de ces activités touristiques ?
Face à une libéralisation des pratiques touristiques, avec des visites et des expériences proposées par toutes sortes d’opérateurs, nous voulons d’abord faire passer le message qu’il faut absolument garantir la qualité des prestations à travers la qualification des acteurs et leur formation.
J’en reviens à l’évolution du « produit » touristique France, quel en est votre perception ?
Nous avons conscience qu’il y a encore un déficit de perception, parfois dans la réalité, du niveau d’accueil des professionnels, de leur avancée dans la digitalisation et la transformation de leur offre. C’est l’un des objectifs prioritaires en accentuant la formation dans ces domaines. D’autant que je constate la volonté d’évoluer et très vite. Quand j’ai démarré, il y a dix ans à Bordeaux, les visites de ville étaient des promenades guidées et commentées de deux heures, axées sur l’Histoire à des groupes de 30, 40 personnes. Désormais, on insiste davantage sur l’expérience individuelle, même si ce terme est un peu galvaudé. On parle de « gourmet tours » où l’on prend le temps de rencontrer les producteurs, de les faire parler et quand c’est possible de mettre la main à la pâte. Par ailleurs, la sanction est implacable avec les réseaux sociaux et les notes attribuées sur les plateformes d’évaluation. Tout est transparent, le droit à l’erreur est limité et on ne peut plus tenir si la qualité n’est pas à la hauteur de la promesse. Cette pression pousse à l’excellence.
Est-ce que le produit France s’ouvre davantage au-delà des piliers habituels ?
Il ne faut pas bouder nos atouts. Ils restent des incontournables de la culture française que viennent chercher nos visiteurs. Elle s’exprime à travers trois domaines complémentaires : le patrimoine, la gastronomie et l’œnologie. Ils pourraient sembler tournés vers le passé alors, qu’à mon sens, c’est le tourisme de demain car il implique la rencontre, le partage, l’authenticité, la pédagogie et la noblesse. Les thématiques sont anciennes mais leur approche est renouvelée avec le souhait de visiteur de « vivre comme un local ».
En quoi cela modifie-t-il votre approche du (des) métier(s) ?
L’un des grands dossiers que veut aborder Great France, c’est celui du recrutement et de la qualification des personnels qui pourront mettre en équation ces attentes nouvelles. C’est encore plus délicat quand il s’agit de saisonniers qui doivent rapidement avoir une parfaite connaissance du territoire. Dans le choix des prestataires, le niveau de qualité par rapport à ces exigences est un critère essentiel de sélection. Dans mon cas, je ne peux traiter qu’avec des domaines vinicoles qui mettront en place des interlocuteurs crédibles dans le domaine du vin et des cépages. Le stagiaire qui a appris son pitch avant le début de la saison n’est plus acceptable.
Quelles évolutions ressentez-vous dans l’offre touristique française ?
On parle beaucoup de micro-tourisme, d’aventures de proximité. Je ne suis pas certain que ce devienne de grands marchés. Plus globalement, le phénomène du « slow tourisme » va avoir un impact sur la manière d’appréhender les visites et les activités. L’excursion au Mont Saint-Michel dans la journée au départ de Paris, c’est à dire 700 km de trajet pour quelques heures sur place, va tendre à disparaître. En Provence, nous modifions nos programmes pour passer plus de temps sur chaque site et favoriser à chaque fois une activité en liaison avec un producteur ou un acteur local, que ce soit dans le Lubéron ou les Alpilles. Il faut ajouter du contenu et rechercher l’immersion.
La technologie peut-elle contribuer à enrichir ou modifier cette approche du terrain ?
Je suis en recherche sans avoir été, pour l’instant, convaincu par une technologie qui renforce l’expérience par la mise à disposition de nouveaux outils, carnets de bord ou de voyage. Mais je continue de rencontrer des startups qui peuvent apporter un plus, notamment dans les visites de sites ou de musées avec des tablettes ou des expériences de réalité virtuelle, de voyage dans le passé.
Pensez-vous que la distribution via les agences de voyage peut servir de relais ?
C’est un sujet complexe car il y a plusieurs obstacles au modèle économique, à commencer par le panier moyen des touristes français en France qui n’est pas très élevé, à ce jour. Au sortir du confinement, nous avons été pris de court pour adapter notre offre à une clientèle française alors que nous étions focalisés sur l’international. Ce qui ne veut pas dire qu’il ne faut pas persévérer car l’année 2021 sera encore une année difficile à l’international. Il y a des cibles intéressantes, des niches dans le haut de gamme, les entreprises ou les CSE en quête de lien pour un personnel en télétravail. La quête de sens, en petits groupes, la volonté de reconnexion avec le local sont autant de motivations que nous devons pouvoir exploiter. C’est un vrai challenge pour réinventer notre activité ou notre approche.
Le consommer local peut-il aussi avoir un avenir touristique ?
Oui j’y crois dès lors que l’on active la notion de solidarité locale avec des producteurs, des artisans, … Il y a de belles choses à inventer qui vont trouver un écho chez les Français. Je prends un exemple, dans mon entourage à Bordeaux, je connais beaucoup de monde qui n’a jamais mis les pieds dans un château et qui ne demande qu’à se reconnecter avec leur patrimoine.