Ecoles, transports, rassemblements sportifs et culturels... la planète a accéléré jeudi un repli sur elle-même à la hauteur de la psychose créée par la pandémie du nouveau coronavirus, qui a provoqué un krach historique des bourses mondiales.
Les restrictions prises en ordre dispersé et la panique des marchés ont été aggravées par l'interdiction temporaire d'entrée aux Etats-Unis des voyageurs en provenance d'Europe, décrétée mercredi soir à Washington par Donald Trump, qui a déclenché un choc dont les ondes se sont propagées sur tous les continents.
Avec plus de 130.000 personnes contaminées, près de 5.000 décès et des infections s'étendant désormais de la Scandinavie à l'Inde, de l'Amérique latine à l'Extrême-Orient, les gouvernements s'escrimaient à freiner la propagation de la maladie Covid-19.
La France, par la voix de son président Emmanuel Macron, a rejoint dans la soirée de jeudi la liste des pays dont les écoles, crèches et universités vont fermer. Le chef de l'Etat de l'un des pays les plus touchés d'Europe par la pandémie a demandé aux séniors de plus de 70 ans de rester chez eux, sans toutefois décider le report du premier tour des élections municipales, prévu dimanche dernier.
Fermetures de frontières
De probables fermetures de frontières seront probablement nécessaires dans les jours ou les semaines à venir, "mais il faudra les prendre à l'échelle européenne", a annoncé M. Macron, qui a assuré que l'UE devra réagir "fort et vite" pour surmonter la crise économique mondiale provoquée par la pandémie.
Du côté des dirigeants, Sophie Grégoire Trudeau, la femme du Premier ministre canadien, a été testée positive au coronavirus, avec des symptômes "modérés", et restera donc en quarantaine. Justin Trudeau "est en bonne santé et ne présente aucun symptôme. Toutefois, par mesure de précaution et selon l'avis des médecins, il sera en isolation pour une durée prévue de 14 jours", a annoncé le cabinet du Premier ministre.
Progression inexorable
Dans le monde, en Europe notamment, où plus de 20.000 cas sont déjà signalés, l'épidémie poursuit sa progression inexorable, bouleversant la vie quotidienne des populations, de la limitation de déplacements aux fermetures de frontières.
Ainsi à New York, par exemple, des lieux emblématiques ont annoncé leur fermeture comme le Metropolitan Museum et les théâtres de Broadway, et tous les rassemblements de plus de 500 personnes ont été interdits. Les parcs d'attraction Disneyland en Californie, en Floride et près de Paris sont aussi fermés par précaution.
Stations de ski fermées en Autriche
En Autriche, les stations de ski du Tyrol vont fermer par anticipation tandis qu'en Belgique les lieux de convivialité, comme les restaurants et les cafés vont être clos. A Rome, toutes les églises ont fermé leurs portes aux fidèles jusqu'au 3 avril. L'Eglise mormone a annoncé la suspension, dans le monde entier et jusqu'à nouvel ordre, de toutes ses cérémonies publiques.
L'Italie a enregistré jeudi son millième mort, entre 5 et 10.000 personnes sont probablement infectées au Royaume-Uni - où seulement 590 cas sont recensés -, selon le gouvernement, et le nombre de cas a explosé en Espagne.
Le Centre européen de prévention et de contrôle des maladies (ECDC) a averti jeudi d'un risque "élevé" de voir le système de santé dans l'UE et au Royaume-Uni être débordé par l'épidémie.
En Chine, chute du nombre de contaminations
En Chine en revanche, point de départ de l'épidémie, le nombre de nouvelles contaminations a chuté jeudi à 15, au plus bas depuis la mi-janvier.
Affolées par l'épidémie et déçues par les annonces dans la journée de la Banque centrale européenne, les Bourses ont sombré. Milan, Paris et Madrid ont enregistré les pires plongeons de leur histoire à la clôture, Londres et Francfort les pires depuis plus de 30 ans. A Wall Street les principaux indices ont continué leur dégringolade.
La bourse dégringole
Vendredi matin, les bourses asiatiques poursuivaient sur la même pente: à Tokyo, la chute de l'indice Nikkei a même brièvement dépassé les 10%, tandis que les bourses chinoises ouvraient également en forte baisse (-7% à Hong Kong).
L'impact de l'épidémie sur l'économie mondiale reste "difficile à prédire" et dépendra de l'ampleur de la pandémie et des réponses apportées par les pays touchés, a indiqué jeudi le FMI, précisant que la croissance mondiale en 2020 serait inférieure à celle de 2019.
Mesures économiques
La BCE constate une "considérable aggravation des perspectives de croissance à court terme" en zone euro, a de son côté averti sa présidente, Christine Lagarde. Après les aides massives déjà annoncées par les grands argentiers de la planète, la BCE a dévoilé jeudi un arsenal de mesures visant à endiguer la panique financière et limiter l'impact économique de la pandémie, mêlant prêts aux banques - afin qu'elles aident les entreprises en vue d'éviter une vague de faillites - et rachat de dettes publiques et surtout privées.
Elle n'a en revanche pas touché à ses taux directeurs, un statu quo qui a accéléré la dégringolade des marchés actions.
L'UE va d'ores et déjà se pencher sur l'impact économique de la décision américaine, la veille, d'interdire l'entrée aux Etats-Unis - qui recense 1.100 cas -, à compter de samedi et durant au moins trente jours, des voyageurs en provenance de 26 pays européens.
Choc "extrêmement brutal"pour l'aérien
Celle-ci aura un "fort impact" sur l'économie, a concédé le président Donald Trump, à propos de sa mesure surprise, qui a poussé de nombreux Américains, inquiets d'être bloqués en Europe, à se précipiter dans les aéroports à Paris, Londres ou Amsterdam, écourtant vacances ou déplacement professionnel
Pour le directeur général de l'Association internationale du transport aérien (Iata), Alexandre de Juniac, le choc provoqué par cette crise sur son secteur est "extrêmement brutal".
Mais deux pays européens ont pris jeudi des décisions similaires: la Slovaquie a annoncé la fermeture de ses frontières à tous les étrangers à l'exception des Polonais, et la République tchèque voisine a interdit l'entrée aux voyageurs arrivant de 15 pays.
Dans le monde, 131.460 cas ont été recensés dans 116 pays et territoires, causant la mort de 4.923 personnes, selon un bilan établi par l'AFP à partir de sources officielles jeudi à 17H.
Une pandémie "maîtrisable"
Le patron de l'Organisation mondiale de la Santé Tedros Adhanom Ghebreyesus a tenté de rassurer en affirmant que cette pandémie était "maîtrisable". En Italie, qui compte désormais plus de 15.000 cas, dont plus de 1.000 morts, tous les commerces, sauf ceux jugés essentiels, sont désormais fermés.
Des mesures qui ont laissé perplexes les Italiens, peinant à juger lesquels étaient essentiels. Jeudi, il était par exemple impossible de trouver une laverie ouverte, un commerce pourtant exempté de fermeture.
En Espagne, le nombre de cas a bondi à près de 3.000 cas - dont une ministre - et le nombre de morts a presque doublé à 84. Les écoles de la région de Madrid ont été fermées. L'ensemble du gouvernement était soumis au test du coronavirus.
Le chaos dans le calendrier sportif
La pandémie continue aussi de semer le chaos dans le calendrier sportif: matches de basket de la NBA suspendus "au moins un mois" selon son patron Adam Silver, Grand Prix de Formule 1 d'Australie annulé, championnat d'Italie de football suspendu jusqu'au 3 avril, championnat d'Espagne suspendu pour les deux prochaines journées.
Le championnat d'Angleterre, le plus riche du monde, vacille lui aussi: l'entraîneur d'Arsenal, l'Espagnol Mikel Arteta, a été annoncé positif au coronavirus, tout comme un premier joueur, le jeune Anglais Callum Hudson-Odoi (Chelsea). Une réunion d'urgence se tiendra vendredi matin pour décider de la suite de la saison de Premier League.
La flamme olympique pour les JO de Tokyo a bien été allumée jeudi sur le site antique grec d'Olympie, lors d'une cérémonie écourtée et en l'absence de spectateurs, alors l'opportunité de maintenir ces jeux fait débat.
Et le championnat d'Europe de football, prévu dans douze pays du 12 juin au 12 juillet, est lui aussi de plus en plus menacé.