Voyages Rive Gauche, la saga d’une entreprise hybride

Mais finalement, l’entreprise familiale, aujourd’hui dirigée par les frères Lucas et Nicolas Czernek, est représentative d’un nouveau modèle hybride, pragmatique, en quête de valeur ajoutée là où elle se trouve, tout en gardant comme fil conducteur les valeurs qui font son originalité parmi ses concurrents.

A l’origine du groupe aux multiples activités, qui pèse désormais quelques dizaines de millions d’euros de chiffre d’affaires, une simple agence de voyages ouverte en 1983 dans ce quartier Rive Gauche de Versailles qui lui a donné son nom. Une deuxième référence à Versailles est plus discrète dans le logo de l’entreprise surmonté d’une montgolfière stylisée. Il rappelle ce premier vol en aéronef dans les jardins du château par les frères Montgolfier. Une aventure de pionniers qui ont lancé le tourisme dans les airs. Les premiers passagers en sont sortis sains et saufs même si le ballon a fini dans les bosquets.

Ce clin d’œil au passé et aux racines du voyage est important pour la deuxième génération des Czernek, Lucas et Nicolas, conjointement directeurs généraux depuis deux ans. Ils insistent en effet sur le caractère familial de l’entreprise, sur leur proximité avec les quelque 40 salariés et surtout avec les clients, qui rejoignent quasi automatiquement le Club Rive Gauche quand ils ont connu leur première expérience.

Premiers voyages en autocar

En 36 ans d’existence, le développement du groupe a été progressif, étape par étape, pour être certain de ne pas perdre ni son âme, ni ce lien privilégié avec le client, qui fait la marque de fabrique du tour-opérateur. Pendant 12 ans, l’activité était celle d’une « simple » agence de voyages. Elle a régulièrement construit sa clientèle avec les produits des autres jusqu’au moment où il est apparu intéressant d’organiser les premiers voyages en autocar en Europe, vers l’Italie, l’Espagne et la Pologne, pays d’origine de la famille. Assez vite, les distances s’allongent et la production s’attaque aux long-courriers puis aux croisières dès la fin des années 90.

Début 2000, c’est la trouvaille qui, encore aujourd’hui, fait toute la différence, un service de transfert personnalisé en taxi depuis le domicile du client jusqu’à l’aéroport. « Les questionnaires auprès des clients nous font remonter que c’est bien l’une des raisons majeures qui a déterminé le choix de notre entreprise », explique Lucas Czernek. « Depuis nous avons été imités mais pas au point de pouvoir rivaliser avec la prestation que nous offrons. Elle a été étendue à toute la France avec une série de partenaires transporteurs et c’est un service qui fait partie de notre ADN client ».

De fil en aiguille, la production a augmenté, au point de remplir un catalogue annuel de 196 pages et 200 destinations différentes. Elles sont pour une bonne part situées en France et en Europe, en autocar Grand Tourisme, voire « 1^ère Classe » pour une partie d’entre eux (nombre de sièges limités, espacement élargi, confort maximum,…) ou en combiné avion et autocar sur place.

Si le monde est devenu le terrain de jeu de Voyages Rive Gauche, le tour-opérateur a fait sa spécialité de quelques destinations phares : Chine, États-Unis, Russie, Espagne, France, Italie et naturellement la Pologne. La particularité de ses circuits en autocar est qu’ils sont opérés sous les couleurs de Voyages Rive Gauche par des entreprises partenaires régionales qui maîtrisent la logistique. « Nous n’avons pas vocation à être propriétaire des véhicules et à gérer les opérations », confie Nicolas Czernek qui a pris en charge le développement de l’activité Groupes. « C’est un autre métier et nous préférons qu’il soit géré par des spécialistes qui respectent notre cahier des charges ».

Depuis les années 2000, l’activité croisières est également en plein boom et le tour-opérateur collectionne régulièrement les trophées de meilleur vendeur Costa et les Croisi- d’or de CroisiEurope.

Volonté d’accentuer le business BtoB

L’an passé, l’activité « groupes constitués » a représenté quelque 15% du chiffre d’affaires, sans compter les GIR, ces départs programmés d’individuels regroupés sur tous les circuits dans le monde, plus difficile à identifier.

Depuis deux ans qu’ils sont aux manettes, les frères Lucas et Nicolas cogitent sur le développement. Ils souhaitent conduire une croissance maîtrisée pour ne pas noyer la culture d’entreprise, mais ambitieuse pour passer à la vitesse supérieure et arriver à élargir leur business model actuel à tout le territoire national. Et cela passe notamment par le recrutement « d’ambassadeurs » de la marque.

Depuis un an, agences individuelles ou petits réseaux régionaux sont sélectionnés à travers la France avec pour objectif d’arriver à fédérer une centaine de points de vente qui déploieront la même philosophie de service au client, comme le transfert en taxi. Les ambassadeurs ont accès à l’ensemble de la production et servent naturellement de relais pour le développement de l’activité Groupes sur mesure.

Assez naturellement, le second axe de développement sera de renforcer la production régionale, à savoir des départs depuis quelques-uns des grands aéroports de province. « Il est raisonnable d’anticiper une croissance à terme de 50% de notre chiffre d’affaires grâce à ces relais », clament en cœur les deux directeurs généraux. C’est pour cela que Christine Brun, responsable commerciale "grands comptes", a rejoint l’entreprise il y a quelques mois. Elle doit s’assurer que la relation avec ces agences « Ambassadeurs Voyages Rive Gauche » se noue sur la même philosophie qui a jusqu’à présent réussi à l’entreprise.

« Nous bénéficions d’une très grande fidélité de notre clientèle », insiste Nicolas Czernek, « près de 75% des 33 000 clients annuels sont membres du Club et repartent avec nous ». C’est pour cela que des opérations conjointes de marketing sont mises en place pour développer la notoriété régionale de Voyages Rive Gauche, accompagnées de conférences sur les destinations comme cela se fait en région parisienne.

Accélération de la croissance externe

Développer le chiffre d’affaires et l’activité globale est d’abord passé par l’extension du réseau d’agences de Voyages Rive Gauche. Il compte désormais 8 agences en propre dont Versailles, le socle historique, Paris Opéra, Paris Saint-Germain créées en 2010, Enghien et Melun ouvertes en 2011, et Compiègne en 2014, sans compter le siège administratif de Pavillon/Bois. La croissance externe a aussi joué sa part avec la reprise de FMP Voyages en 2009 et un petit réseau de 3 agences Look Voyages en 2010, suivi du rachat de Nissazur à Nice, meilleure agence de vente de croisières Costa en France.

Aujourd’hui les frères Czernek passent à la vitesse supérieure en reprenant des fournisseurs pour les ajouter à leur groupe. C’est le cas de Sinorama, un tour-opérateur spécialiste de l’Asie, dont la maison-mère canadienne a fait faillite en 2018. La société française avait besoin d’un soutien financier pour sortir d’une situation difficile et Voyages Rive Gauche l’a libéré de son redressement judiciaire. Déjà prestataire du groupe, Sinorama est bien implanté en Chine et dans le Sud-Est asiatique avec des tarifs très compétitifs. Lucas Czernek a bien l’intention de profiter de ces contacts pour sortir une série de programmes sur la Chine en 12, 15 ou 20 jours avec des prix défiant toutes concurrences. La dernière production affiche déjà un circuit en hôtels 5* de 16 jours à moins de 1 800 euros.

Le prochain dossier est encore plus conséquent. Les frères Czernek sont convaincus du bien-fondé du modèle économique régional des autocaristes qui ont cultivé à leur échelon une forte notoriété, une grande fidélité et une approche similaire de leur philosophie de qualité de service. Souvent solidement ancrées sur des bases familiales, les sociétés d’autocaristes vivent aussi le problème de la transmission d’une génération à une autre. Les deux dirigeants se posent donc en observateurs attentifs d’une opportunité de reprise d’un réseau régional qui pourrait intégrer le groupe en renforçant l’activité groupes sans affecter la culture d’entreprise.

La digitalisation, une nécessité absolue

La double stratégie engagée de croissance interne et externe ne peut faire abstraction d’une nouvelle condition impérative : faire entrer encore davantage l’entreprise dans l’univers digital. Quasiment nés avec la génération numérique, autant Lucas que Nicolas sont absolument persuadés que la distribution touristique doit prendre en compte tous les nouveaux outils digitaux. « Nous mettons en place de nouvelles stratégies digitales qui doivent générer du trafic « web to store » et inversement « store to web ». Les spécialistes auront décrypté. De fait, le contact avec le client est aujourd’hui multicanal, voire omnicanal. Il doit pouvoir avoir accès dans son univers habituel – smartphone, mails, SMS – à la fois à des informations sur les produits, à des opportunités d’achat et des outils de réservation. C’est bien l’objectif de ces nouvelles stratégies pour communiquer sur les offres, inviter les voyageurs potentiels à venir dans les agences pour finaliser le conseil et la vente, et repartir chercher, s’il le faut, les informations complémentaires sur le site.

C’est toute une réflexion qui est menée au sein de Voyages Rive Gauche pour entretenir la relation client. « Même avec des destinataires avertis et consentants, nos messages par email ont de plus en plus de mal à se frayer un chemin dans la masse d’informations que reçoivent nos clients », s’interrogent les dirigeants de l’entreprise. C’est l’un des défis à relever pour conserver la proximité avec leur communauté de voyageurs.

Inclassable peut-être, Voyages Rive Gauche poursuit son chemin méthodiquement et si les frères Czernek ne se rêvent pas dans le Top 10 des T-O et groupistes, ils comptent bien réussir le pari de garder une dimension humaine tout en ayant un développer un maillage complet sur le territoire avec quelques solides points d’ancrage régionaux.

Voyages Rive Gauche en chiffres

• 500 000 clients depuis la création et 33 000 clients sur le dernier exercice 
• 35 M€ de chiffre d’affaires en 2018, doublement du chiffre en l’espace de 10 ans
• 200 destinations en brochure 
• 36 salariés au siège et dans les agences
• 8 agences de voyages en propre
• 100 agences « ambassadeurs » comme objectif à terme