Proche et lointaine à la fois! La Rhénanie-Palatinat occupe dans l’extrême ouest de l’Allemagne, une situation privilégiée autour du Rhin et de la Moselle. Land méconnu, elle séduit pourtant de plus en plus les Français, ainsi que les groupes, par ses paysages vallonnés et sa riche production viticole.
Si son climat ensoleillé lui vaut le surnom de « Toscane allemande », ses centaines de châteaux lui assurent un caractère indéniablement romantique. On dirait le sud, dans un écrin de légendes.
Il n’est pas besoin d’être Goethe ou Byron pour apprécier le romantisme de cette région où la silhouette des châteaux forts se dessine au petit matin dans des halos de brume. Courbes douces mais affirmées du Rhin, collines de vignobles descendant en étages vers les rives, petites villes colorées à la palette de peintre. La Rhénanie-Palatinat (Rheinland-Pfalz en allemand) est à portée de main, outre frontière. Elle est constituée de deux grandes vallées fluviales, dont la vallée du Haut-Rhin moyen, inscrite au Patrimoine mondial de l’Unesco depuis 2002, qui rejoint à Coblence la vallée de la Moselle, le tout serti dans des paysages de forêts. Plus de 500 châteaux et forteresses parsèment le territoire, perchés sur des pics rocheux, de la ruine fantomatique au palais de conte de fées chapeauté de tourelles. Tous racontent l’histoire de la région, des Romains au Moyen-Âge et jusqu’à la fin de l’époque romantique.
Mais ce sont surtout les vignobles qui font la réputation de cette région d’Allemagne d’où provient plus de 70 % du vin produit outre-Rhin. Si l’on ajoute à cela la bienveillance du climat (le plus doux d’Allemagne, favorable à la production de kiwis et de citrons!) et 2 000 heures d’ensoleillement par an, voilà de quoi faire venir les touristes français au trot. Ce que ne confirment pas toujours les chiffres de fréquentation. « Dans la ville de Boppard, les touristes néerlandais ont supplanté les Anglais, explique Stefan Rees, directeur de l’office de tourisme. En troisième position on note les Belges, puis les Américains et enfin les Français. » La proximité de ce land fédéral allemand, qui partage ses frontières avec le nord-est de la France, le Luxembourg et la Belgique, en atténue sans doute l’exotisme. La fréquentation est pourtant en progression chez les individuels. Quant aux groupes, ils bénéficient de structures hôtelières d’une capacité moyenne mais toujours confortable et de guides francophones adeptes de l’anecdote et du trait d’humour.
Le long de la Route des vins du sud, villes et villages, cossus, perdus dans des mers de vignes, ont été modelés par le dynamisme de la viticulture. Les Romains ont jeté les bases de ce qui allait devenir l’un des plus grands et plus riches vignobles d’Allemagne. Comme en témoignent les villas patriciennes de Maikammer et leurs belles façades en grès datées du XVIe au XIXe siècle. « Dans cette ville qui comprend 60 domaines viticoles, le vin a toujours joué un rôle important sur le plan économique et culturel. Il est à l’origine de l’essor immobilier puis du développement touristique, notamment sur le plan de l’hôtellerie. Nous avons désormais trois hôtels et des appartements privés, ce qui constitue 800 lits », explique notre guide, détachée de l’office de tourisme, qui relève çà et là sur les façades de croustillants détails rappelant le passage de Napoléon. Car, de 1798 à 1815, une grande partie des territoires de l’actuelle Rhénanie-Palatinat, notamment ceux situés sur la rive gauche du Rhin, ont été occupés par les armées françaises. À ces 44 petits États gouvernés par des princes qu’il a regroupés en trois départements, Napoléon a légué son Code civil. Ne vous étonnez si on y parle de « parapluie », de « trottoir » ou de « savoir-vivre »; même les vocabulaires de la cuisine et du vin sont riches d’expressions françaises.
En 1815, la « république sœur » est rétrocédée aux royaumes de Prusse et de Bavière. Quant au land actuel de Rhénanie-Palatinat, il est créé en 1946 par l’administration d’occupation française. Deux heures de route et quelques éoliennes plus loin voici Boppard, ville de 2 000 ans construite autour d’un castellum romain, brièvement française, puis station de villégiature pour grosses fortunes d’Allemagne du nord. Le promeneur croise à tout bout de champs, de rues et de jardins des restes de fortifications romaines. Les bateaux de croisière fluviale débarquent de contemplatifs vacanciers qui déambulent entre berges et restaurants. Difficile d’ignorer que Boppard est la ville natale de Michael Thonet (1796-1871), l’inventeur de la chaise bistrot. Il y a toujours au fil des rues des exemplaires assemblés en sculpture ou suspendus au-dessus d’un porche. Thonet mit au point un procédé basé sur l’eau bouillante et la force humaine pour donner au bois des formes arrondies. À deux rues de sa maison natale, le musée de la ville installé dans l’ancien château du Prince électeur consacre une enfilade de salles à ses créations: chaise longue, chaise pour bébé ou pour fumeur, chaise-miroir… aux lignes Art nouveau avant l’heure.
« Selon les dires de nos passagers qui découvrent le Rhin romantique grâce à nos croisières, c’est une région pleine de charme et de surprises: paysages typiques, citadelles hautes en couleur, vignobles à perte d’horizon. Depuis le fleuve, les perspectives offrent un autre regard, à un autre rythme, permettant d’apprécier pleinement la douceur de vivre au fil de l’eau », explique Axel Araszkiewicz de Croisi-Europe qui affrète des bateaux sur le Rhin avec une étape inévitable à Coblence. À 400 km de Berlin mais 120 km de la frontière française, Coblence (plus de 110 000 habitants) marque comme son nom l’indique la confluence du Rhin et de la Moselle. Pour se faire une idée de son effervescence fluviale il faut rejoindre le Deutsche Eck (« le coin d’Allemagne »), un promontoire dominé par la statue équestre monumentale de Guillaume II, et embarquer à bord d’un téléphérique panoramique qui rallie depuis 2010 la forteresse d’Ehrenbretstein. Cette ancienne fortification prussienne du XIXe siècle offre un point de vue spectaculaire sur la ville entourée de forêt. Restaurée en 2011, la deuxième plus grande forteresse d’Europe après Gibraltar fait aujourd’hui office de lieu culturel. On conseille la visite de la galerie des canons: le gros « Griffon » (5 mètres de long, 9 tonnes, une portée de 1 000 mètres!) a fait l’objet depuis plus d’un siècle d’allers-retours incessants entre Paris et Coblence, confisqué par l’armée française, récupéré par les troupes allemandes, et vice versa jusqu’à ce qu’en 1984 François Mitterrand le rende officiellement à Helmut Kohl (qui fut d’ailleurs ministre-président du land de Rhénanie-Palatinat en 1969).
Toujours prêt à régaler ses visiteurs d’anecdotes francophiles, votre guide vous rapatriera dans le centre historique, entièrement piéton, pour vous conter l’histoire des Schängel, enfants de Coblence nés d’un père français et d’une mère allemande. D’où, sur la place de l’hôtel de ville, la statuette charmante d’un Schängel qui crache un long jet d’eau toutes les deux minutes, version à peine policée du Manneken Pis de Bruxelles.
La visite des châteaux fait bien sûr le sel du périple. Et la découverte, dans la vallée de la Moselle, du château médiéval d’Eltz, repéré dans une échancrure de verdure, constitue la quintessence de l’expérience romantique. Sa silhouette serait-elle signée Walt Disney? Cent tours, autant d’encorbellements et de pignons, quarante salles chauffées par une cheminée, des plafonds richement décorés, de vraies fenêtres vitrées pour lire à la lumière du soleil couchant! Donné en 1171 par Frédéric de Barberousse, Eltz est le seul château de la région à n’avoir jamais été détruit et appartient depuis 33 générations à la même famille. Partagé entre trois héritiers, il est toujours habité et offre une lecture inestimable de la vie des chevaliers au Moyen-Âge. Autre ambiance à Cochem, petite ville connue pour ses pêches de vigne. Les collines alentour sont si escarpées que la viticulture s’y pratique à la main, sans machine, et que raisin et outils sont transportés sur des monorails à flanc de vignes. Fiché au sommet d’un énorme rocher, le Reichburg de Cochem (château impérial) qui date de l’An 1000 a été endommagé par les troupes de Louis XIV. Puis reconstruit par un riche commerçant dans un style néogothique à la mode du XIXe siècle. Ses salles de réception, d’armes ou des Dames ne manquent ni de portes secrètes, ni de tunnel putatif, ni de meubles en marqueterie ou de trophées de sangliers! À sa sortie, la route qui longe la Moselle vous mènera vers Traben-Trarbach et ses demeures Art nouveau puis vers un florilège de petites villes aux maisons à colombages et placettes pittoresques où s’aventurent de plus en plus de Français.
Testés pour vous
→ Le Arens Hotel 327 m NN, à Saint-Martin. Pour sa situation. Isolé dans la forêt du Palatinat, sa position sur la colline accorde des vues spectaculaires sur les vignobles. Une vraie parenthèse de sérénité. 65 chambres confortables et spacieuses et un espace bien-être/spa en rénovation lors de notre visite. Idéal pour le groupe qui choisit de randonner dans la région.
→ Le GHotel, à Coblence. Pour le confort. L’établissement, très moderne, situé près de la gare routière (pas de bruit) est à dix minutes à pied du centre-ville et à 25 mn du Deutsche Eck.
→ Le Karl Noss Hotel à Cochem (3 étoiles). Pour la vue. Il n’y a rien de plus romantique que sa terrasse située face à la Moselle. Les chambres de cette institution décorée à l’ancienne (l’hôtel existe depuis la fin du XIXe siècle) ne sont pas très grandes mais néanmoins agréables.
Ne pas hésiter à faire dîner le groupe dans les hôtels! On y déguste souvent une cuisine bistronomique de qualité. Les restaurants du Arens Hotel et du Karl Noss Hotel servent des plats très fins, avec des produits locaux et de saison.
Chiffres clés 2018
> En Rhénanie-Palatinat: 9 958 945 touristes (dont 2 099 225 touristes étrangers), avec une progression de 0,8 % chez les touristes français (81 983). Total des nuitées: 25 634 342.
> À Maikammer: 30 601 touristes, dont 3 % de Français (960).
> À Boppard: 358 350 visiteurs, dont 0,5 % de Français (1 911).
> À Coblence: 700 141 nuitées, dont 0,69 % de Français.
> À Cochem: 417 000 touristes, dont 0,4 % de Français, et 231 764 visiteurs pour le château.
> À Traben-Trarbach: 86 571 visiteurs.
Questions à…
Quels sont les atouts propres à la Rhénanie-Palatinat?
Une combinaison unique de nature et de culture, de moyennes montagnes et de vallées fluviales, bordées de châteaux et de villes historiques de 2000 ans. Notamment l’Eifel marquée par ses volcans, ou la forêt palatine, avec ses formations rocheuses exceptionnelles. En Allemagne, ces reliefs sont uniques, tout comme la richesse des vignobles et cépages ou la plus vieille ville allemande, Trèves.
Quelle est la part du tourisme français dans cette région?
Elle était en 2018 de 3,91 %. La France se place ainsi en quatrième position. Le land de Rhénanie-Palatinat n’est pas très connu en France, mais quelques régions comme la Moselle, le Palatinat ou les villes de Trèves, Mayence et Coblence sont très réputées. La découverte du vin et de la gastronomie dans un cadre naturel unique (les vignobles les plus escarpés d’Allemagne, les terrasses de la Moselle…) peut être un argument décisif pour attirer les visiteurs. Les spécialités comme le « Saumagen » ou nos brochettes, associées à différents vins, jouent aussi un rôle important. En 2018, nous avons enregistré une augmentation de 6,2 % des visiteurs français en Rhénanie-Palatinat. Au cours des dix dernières années, la fréquentation a augmenté de près de 38 %. C’est donc une évolution positive et le potentiel de développement reste énorme. D’autant plus que les infrastructures de la région sont parfaitement adaptées aux groupes français.
Y aura-t-il en 2020 ou 2021 des événements forts dans cette région?
Les manifestations principales sont les fêtes du vin annuelles dans les villages et villes des régions viticoles, les marchés de Noël et les grandes manifestations, comme « Rhein in Flammen ». L’année 2020 sera marquée par l’initiative nationale « Sur les traces des têtes couronnées ». Elle permettra de mettre en avant des personnalités célèbres, mais aussi des châteaux et des châteaux forts. C’est l’occasion de montrer la variété des lieux romantiques, leur paysage unique et leurs particularités culturelles. La Rhénanie-Palatinat a beaucoup plus à offrir que son fameux vin.
→ Louer pour une soirée la Gute Stube à Maikammer. La Gute Stube signifie littéralement « la bonne pièce » que l’on n’ouvre qu’exceptionnellement, pour les amis ou les grands événements. Celle de la vinothèque municipale de Maikammer date du XIXe siècle. Restauré dans ses couleurs et marqueteries d’origine, ce salon cossu est dédié aux mariages ou à tout événement de groupe.
→ Louer la Grande Ligne dans la forteresse de Coblence. Une salle impressionnante où sont organisées lectures, dégustations de vins, expositions… Elle est privatisable.
→ Assister au marché de Noël de Traben-Trarbach. Il est unique au monde puisque souterrain! Cette petite ville viticole et très pittoresque de la Moselle possède encore 20 caves, de plus de 100 mètres de long. Pendant l’Avent, huit d’entre elles sont occupées par les stands du marché de Noël.
→ Faire du VTT dans le parc du Pfälzerwald. Ce territoire de falaises et de chemins escarpés, entre 250 et 1 950 m d’altitude, est sillonné par 900 km de pistes pour vélo de montagne, entretenus par des bénévoles, avec de nombreuses étapes gourmandes. Parfait pour les groupes qui souhaitent associer 3 à 4 heures de vélo par jour et des visites de châteaux.
Dans la région du vin
La Rhénanie-Palatinat est une aubaine pour les amateurs de vins: visites de caves, dégustations, paysages viticoles divers… Dans ce land, qui comporte six des treize régions viticoles d’Allemagne, s’effectuent les deux tiers des vendanges allemandes. Les cépages blancs sont les plus cultivés, avec en tête le riesling qui a fait la réputation de la région, les pinots blanc et gris, le gewürztraminer, le chardonnay… Grâce au climat sec et méditerranéen, les cépages rouges ont été peu à peu introduits depuis les années 80 et le riesling ne représente plus que 60 % de la production. Parmi les vins rouges dominent le Dornfelder et le Spät Burgunder. À tester et déguster (avec modération) dans ces deux excellentes adresses:
→ Wingut Dengler-Seyler à Maikammer. Située sur la Route des vins du sud, une cave traditionnelle doublée d’une vinothèque moderne. Jeunes vignerons innovants, les propriétaires pratiquent la viticulture biologique. Visite de la cave (tonneaux en chêne mais machines high-tech!) puis dégustation de vins.
→ Chez Dr Pauly-Bergweiler à Bernkastel-Kues. Un domaine ancestral, qui existe depuis 1020! Dans une jolie salle au plafond en ogive, adossée à la cave tricentenaire, les dégustations sont organisées comme des pauses déjeuners (avec plateaux de fromages et de charcuterie). En 2018, le site a reçu près de 3 000 visiteurs. Dont 3 % de Français.