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E-Tourisme

Midnight Trains : rencontre avec Adrien Aumont


Publié le : 28.02.2023 I Dernière Mise à jour : 09.10.2024
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  • Adrien Aumont, Co-fondateur de Midnight Trains

Adrien Aumont, co-fondateur de Midnight Trains, explique les atouts de son concept, notamment comment le train de nuit peut révolutionner la mobilité touristique et ainsi être une alternative au transport aérien

 

En partenariat avec Welcome City Lab, Tour Hebdo et Quotidien du tourisme proposent un feuilleton hebdomadaire du cahier des tendances crée par ce laboratoire du tourisme innovant.

 

Pouvez-vous vous présenter, décrire votre parcours et votre rôle au sein de Midnight Trains ? Pourquoi avoir choisi cette nouvelle aventure entrepreneuriale ?

Mon parcours est assez atypique : j’ai arrêté l’école à 14 ans et j’ai été émancipé à 16 ans. J’ai créé mes premières entreprises à cet âge-là, dans le secteur de la culture et plus particulièrement du cinéma. J’ai ensuite travaillé à la télévision, puis plus tard dans la publicité.

En 2007 avec ma cousine et son mari, nous avons eu l’idée de monter des plateformes de financement participatif. Cela n’existait pas à l’époque, l’utilisation était complètement méconnue du grand public. En 2009 nous avons lancé Kiss Kiss Bank Bank, l’une des premières plateformes de financement participatif en Europe, puis d’autres plateformes avec des mécaniques financières différentes en fonction des typologies de projets. Enfin, nous avons vendu ce petit groupe à la Banque Postale en 2017. En 2019, deux ans après le rachat, j’ai quitté le groupe pour monter Midnight Trains.

Je voulais créer un projet B2C à fort impact environnemental. Je souhaitais créer un produit physique, réel, pas seulement du software. Enfin je voulais que les gens achètent et consomment le produit pour sa qualité et pas seulement pour son aspect écologique. La désirabilité du produit devait créer de l’impact.

D’un point de vue personnel, ma compagne et moi-même détestons l’avion et en avons très peur. Lorsqu’elle a pris des billets de train de nuit pour aller jusqu’en Italie, le voyage s’annonçait long et rudimentaire. Puis, j’étais inquiet à l’idée de dormir avec des inconnus. Aussi, ma compagne avait acheté mon dîner favori. Par chance, nous nous sommes retrouvés seuls dans le compartiment du train de nuit, à déguster le meilleur plateau de fromage autour d’une bouteille de vin, en regardant un film. Arrivés en Italie le lendemain matin, j’ai réalisé que ça avait été l’un des meilleurs voyages de ces dernières années. Avec la prise de conscience écologique, tous les indices étaient réunis pour laisser penser que seul le train de nuit constituerait une alternative de poids face à l’aviation. En effet, c’est un moyen de transport longue distance “propre” car majoritairement électrique, tandis que l’aviation n’aura selon moi pas de solution “propre” avant la fin du siècle. La solution était claire : il fallait réinventer ce moyen de transport légendaire. 

 

En quelques phrases, qu’est-ce que Midnight Trains ?

Midnight Trains c’est avant tout un produit : c’est réinventer et construire un train de nuit qui corresponde au voyageur. Ce produit repose sur 3 piliers.

Le premier c’est l’intimité, avec des couchages privatifs, une vraie literie et une excellente insonorisation. L’idée pour que les gens aient envie de reprendre ce mode de transport, c’est d’y retrouver le confort qui ressemble à celui d’une chambre d’hôtel.

Le deuxième pilier c’est la convivialité. Il faut donc imaginer un lieu agréable en dehors de la chambre : une voiture commune dans laquelle il y a un restaurant et un bar proposant des produits de qualité.

Le troisième pilier, c’est le digital : il faut nettement améliorer le processus d’achat de billets de train de nuit, grâce à une application de conciergerie permettant aussi de réserver au restaurant, d’avoir accès au menu et de pouvoir payer en un clic, d’avoir accès à une boutique pour acheter des écouteurs, un peignoir… Il est aussi important d’avoir des serveurs à bord pour pouvoir proposer de l’”onboard entertainment” et permettre à tous les voyageurs de regarder des films et séries sans problèmes de connexion.

 

Où en êtes-vous aujourd’hui et quelles sont les prochaines étapes ?

Nous avons choisi le constructeur de trains et le leaseur. Les trains sont achetés par une compagnie de leasing qui nous loue le matériel. Nous sommes en phase de finalisation de contractualisation pour pouvoir lancer la construction des trains d’ici quelques mois. Nous sommes aussi en train de négocier l’accès au réseau avec les gestionnaires d’infrastructures de chaque pays dans lesquels nous voulons passer, pour avoir accès aux sillons, aux gares, à la fourniture d’électricité… Il faut ensuite pouvoir contractualiser avec des entreprises ferroviaires qui ont la licence et le contrat de sécurité pour pouvoir tracter nos trains. Nous allons externaliser les opérations ferroviaires et intégrer le service à bord avec nos propres équipes.

 

Qui finance Midnight Trains ?

Le financement est divisé en deux parties. D’abord il faut financer l’acquisition des trains : c’est la société de leasing qui paie le matériel et nous le louons. Pour le financement de l’entreprise, nous avons fait un premier tour de table en mars dernier avec de nombreux Business Angels français et nous sommes actuellement au second tour de table.

 

La demande refait-elle surface ?

La demande ne va faire que croître car il y a une conscience collective sur tous les défis environnementaux. C’est justement cette tendance culturelle qui appelle au retour des trains de nuit. Il y a aussi des tendances d’opportunités, car l’aérien vient de vivre une longue crise sanitaire et aujourd’hui énergétique. Les prix de l’aérien vont être corrigés car ils sont ridiculement bas depuis plus d’une décennie. Cette correction rendra les prix plus raisonnables : c’est donc une opportunité pour créer des alternatives à des tarifs similaires mais avec un bilan carbone bien inférieur.

 

Quelle est la place du tourisme d’affaire (MICE) dans les futures offres/cibles ?

Nous sommes surpris du nombre de demandes que l’on peut avoir sur les business trips. On se retrouve dans une situation où, pour les entreprises, c’est une obligation liée au carbone de se soucier de l’impact. Les entreprises qui ont le moins d’impact sont celles qui seront les plus fortes plus tard. Le voyage d’affaires de demain se fera en visio ou via Midnight Trains.

 

Comment Midnight Trains peut-il devenir un réel concurrent de la SNCF ? Au vu de la concurrence européenne, comment vont-ils faire pour s’implanter ?

ÖBB (Autriche), avec Nightjet, sont les seuls à avoir relancé le train de nuit depuis 2016 avec une vraie stratégie. Néanmoins la qualité de service n’est pas au niveau pour concurrencer l’aviation. La vraie concurrence avec ÖBB commencera lorsqu’ils auront commandé leurs nouveaux trains de chez Siemens.

En ce qui concerne les autres opérateurs, on ne les considère pas comme des concurrents. Je considère les trains de nuits de la SNCF plutôt comme des concurrents à l’offre de bus, qu’à l’offre de l’aviation

 

Quelles destinations allez-vous desservir et à quel prix ? Comment allez-vous concurrencer les vols low cost ? 

Nous ne donnons pas de dates et d'ordre de sortie des destinations, ni nos prix. Dans l'ensemble, sur un hub parisien seront desservies : Milan, Venise, Florence, Rome, Nice, Barcelone, Madrid, Berlin, Copenhague... 

Nous ne nous adressons qu'à des gros marchés : il n'y aura pas d'arrêt dans de petites villes. 

Concernant la tarification, nous souhaitons proposer des gammes de prix ouvertes à tous, de la clientèle Easyjet à la clientèle haut de gamme. L'accès aux services sera le même pour tous, il n'y aura pas de différences de classes. Ce qui fera varier le prix, c'est la taille des espaces. 

 

Quelle place pour le divertissement à bord ? 

Notre idée est de pouvoir fournir du cinéma aux voyageurs. Nous avons aussi l'envie de créer des évènements à bord en basse-saison pour faire du train un véritable lieu de vie. Nous annoncerons plus d'éléments sur ce que nous serons amenés à mettre en place fin 2023/début 2024.

 

En quoi ce projet favorise-t-il la mobilité touristique en Europe ? Comment voyez-vous la mobilité touristique dans 20 ans? 

Demain je voudrais qu'il n'y ait pas à choisir entre voyager et ne pas voyager. Ce serait dramatique d'arrêter de voyager pour des raisons environnementales. Aujourd'hui, nous considérons notre produit comme étant le meilleur pour voyager. Malheureusement l'expérience du voyage a été dégradée année après année car drivée par les prix des compagnies low cost. Notre ambition est de créer un network européen en connectant toutes les grandes villes les unes aux autres pour toujours proposer une alternative à l'aérien. On espère ainsi créer une "génération Midnight", tout comme il y a eu une "génération Easyjet". 

 

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