Dans son rapport l’égard des stations de montagne françaises, la Cour des Comptes affirme que « la neige produite représenterait environ 8% des prélèvements » pour la Savoie, alors qu’en réalité ce n’est que 0.1% !
Le débat sur l’eau ne doit pas se prendre à la légère. Il est même déterminant pour l’avenir des stations de montagne.
En effet, selon les études du CNRS et de l’INRAE mettant en perspective les simulations
‘’Climsnow’’ : « Quel que soit le scénario climatique, un taux de couverture de 45 % de neige de culture permet de maintenir [en 2050] des conditions d’enneigement agrégées pour toutes les stations comparables à la situation de référence sans neige de culture (1986-2005).»
Autrement dit, l’exploitation des stations de montage face au réchauffement climatique repose en grande partie sur la production de neige de culture.
Et voilà que La Cour des Comptes publie un rapport estimant ‘’la neige produite représenterait environ 8% des prélèvements’’, alors que ce chiffre est faux !
Alex Maulin, Président de Domaines Skiables de France explique : « Si vous prenez les données publiées par l’organisme officiel eauFrance bnpe consultable en ligne : le prélèvement total d’eau sur le département de la Savoie s’élève à plus 10 milliards de mètres cubes. L’eau prélevée pour la neige de culture en Savoie représente moins de 10 millions de m3. Chiffre vérifiable sur l’observatoire savoyard. Il en résulte que le prélèvement d’eau pour la neige de culture en Savoie est inférieur à 0,1% des prélèvements totaux du département, donc sans aucun rapport avec les 8% annoncé pas la Cour des Comptes. Voilà la réalité des chiffres et elle est incontestable. En outre, cette eau est pour l’essentiel restituée au milieu naturel lors de la fonte des neiges ».
Pourquoi une telle différence ? pour des raisons politiques ? Idéologique ? Alex Maulin n’apporte pas vraiment de réponse. Tout juste explique-t-il que des filtres ont été appliqués comme celui de l’hydroélectricité par exemple, dans le but sans doute de faire apparaître un chiffre ronflant pour marquer les esprits. Sur ce plan, c’est gagné, l’annonce vient de créer le buzz. Mais pour quel but, sachant pourtant que l’activité des domaines skiables français s’est hissée au deuxième rang mondial à force de travail, d’innovation et d’engagement depuis des décennies !
Cette économie représente plus d’un milliard et demi d’euros de recettes annuelles, plus de 50 millions de journées de ski enregistrées en France chaque hiver et 120 000 emplois qui en dépendent en station. Alors ?
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Alex Maulin ajoute : « pour porter des accusions aussi graves, il faut le faire avec de chiffres précis. Or ce n’est pas le cas. Nous voulons bien être interpellés, analysés, observés… mais avec des données factuelles. Pas sur des postulats qui ne reflètent pas la réalité. »
Pire encore, concernant la pérennité des stations de montagne, le rapport La Cour des Comptes va à rebours des conclusions des scientifiques et aussi d’une bonne partie des rapports individuels publiés par les Chambres régionales des comptes. Ces dernières s’appuient sur un panel de 42 stations laissant entrevoir la possibilité de poursuivre l’exploitation au-delà de 2050 !
En fait La Cour des Comptes, si elle avait voulu être fidèle aux conclusions des scientifiques et à celles des Chambres régionales, aurait dû viser dans ses formulations générales pessimistes, les stations les plus fragiles. Son tort consiste à avoir englobé, sans distinction, l’ensemble des stations de montagne.
Alex Maulin s’insurge : « Les conclusions établies par la Cour sont largement contestées, tant dans leur méthodologie que dans leurs résultats, avec des scores de vulnérabilité similaires attribués à Courchevel et à Font d’Urle, au Col de Porte et aux Deux Alpes, etc. ! »
Il ne faut pas éluder la problématique économique du changement climatique. En témoignent les Vosges cette année ! Mais, quid des stations grandes et très grandes ? Elles sont au nombre de 59 en France et représentent 80% de la fréquentation. Selon les publications des scientifiques, à +2°C (donc en 2050), sur les 143 stations des Alpes françaises, seulement 10 auraient un fort risque de mauvais enneigement (29 à +3°C).
Dès sa publication le 6 février dernier, les opérateurs de remontées mécaniques et de domaines skiables avaient exprimé publiquement leur déception et leur désaccord sur certaines parties de ce rapport.
Aussi, les Domaines Skiables de France demande une rectification du rapport spécial de la Cour des Comptes sur « Les stations de montagne face au changement climatique ». Les opérateurs de remontées mécaniques et de domaines skiables rassemblés au sein de la Chambre professionnelle Domaines Skiables de France ont adressé officiellement une demande de rectification à Monsieur Pierre Moscovici, premier président de la Cour des comptes.
À l’appui de sa demande de rectification, Domaines Skiables de France a adressé un document de 18 pages qui pointe précisément les parties jugées erronées et pour lesquels la chambre professionnelle justifie avec précision les erreurs, approximations ou inexactitudes que comporte ce rapport.
En outre, la communication du rapport a été orchestrée lors d’une conférence de presse à laquelle les représentants de DSF se sont vu refuser l’accès, tant et si bien qu’ils n’ont pas pu prendre connaissance immédiatement des contenus diffusés aux médias, ni même avoir le temps de répondre aux conclusions erronées ou imprécises qu’il contient. S’en est alors suivi un battage médiatique à charge contre les stations de montagne, car fondé sur des éléments en partie erronés. La grande majorité des médias a choisi de publier à peine la conférence terminée, sans même demander aux acteurs de la montagne leur avis pour apporter les corrections nécessaires.
Alex Maulin de conclure : « ce rapport jette injustement le discrédit sur toute une profession. Nous avons décidé d’y répondre point par point, pour dénoncer les nombreuses erreurs, incohérences et méconnaissances qui le composent. Nous espérons pouvoir enfin entamer un vrai dialogue avec cette institution que nous respectons, mais qui doit être à la hauteur de sa mission et des moyens de contrôle dont elle dispose. »
Quel gâchis !
Les professionnels de la montagne attendaient beaucoup de ce rapport. Il était annoncé pour, justement, permettre aux forces vives du secteur de se mobiliser afin de mieux préparer l’avenir.
C’est tout le contraire qui vient de se passer avec cette publication calamiteuse. Ce rapport se présente avec des effets d’annonce à charge, loin d’aider les stations à s’adapter à la situation actuelle, qui plus est avec une mise en avant de chiffres trompeurs.
La Cour des Comptes devrait apprendre à ‘’compter’’ avant de se lancer, à charge, dans des approximations hasardeuses…