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Rendre accessible le tourisme culturel à tous : vers plus d’expériences immersives, ludiques et créatives


Publié le : 21.12.2023 I Dernière Mise à jour : 09.10.2024
Stéphane Roisin I Crédit photo

Auteur

  • Stéphane Roisin - Directeur Général de Moment Factory Europe

Tags : économie

Stéphane Roisin, Directeur Général de Moment Factory Europe, s'inquiète de l'absence de visiteurs français sur les sites patrimoniaux de France. Dans sa tribune, il donne les clés pour (re)nouer avec la culture en proposant des visites plus créatives, immersives et ludiques.

 

La récente inscription de trois nouveaux sites français sur la liste du patrimoine mondial de l’UNESCO (les volcans et forêts de la Montagne Pelée en Martinique, la Maison Carrée à Nîmes et les sites funéraires de la Première Guerre mondiale) devrait nous réjouir.

Cependant, la dernière enquête décennale sur les pratiques culturelles montre pourtant qu’avec une offre culturelle prolifique en France (comprenant désormais 52 sites inscrits à l’UNESCO), à peine plus de deux français sur cinq ont visité un lieu patrimonial au cours des douze derniers mois ; un résultat quasi similaire à celui obtenu il y a cinquante ans, bien avant la mise en place des politiques dites de « démocratisation culturelle » telle que la gratuité d’accès aux collections permanentes de certains musées, le lancement des Journées européennes du patrimoine ou plus récemment du « Pass culture ».

Alors même que la diversification des publics n’a guère progressé, il est aussi de bon ton de dénoncer le « surtourisme », où plutôt l’hyper-concentration des flux à l’échelle internationale dans certains sites célèbres : une tendance qui dégrade la qualité de visite et peut même altérer sur la durée certains aspects du patrimoine des lieux concernés. Cette situation contrastée et complexe ne doit pas nous faire oublier que le tourisme culturel continue à jouer un rôle essentiel dans le développement des territoires, la promotion de la richesse patrimoniale et de l’influence d’un pays.

 

Des résultats pour le moins paradoxaux qui peuvent trouver un début d’explication à trois niveaux :

- les catégories sociales habituées à franchir le seuil des sites culturels le font encore davantage,

- les outils numériques ont fondamentalement modifié le processus de prescription des visites de site pour renforcer la prévalence des sites les plus connus,

- l’accessibilité et l’attractivité des lieux culturels restent conditionnées par une politique de l’offre et non par une véritable prise en compte de la demande en matière de pratique culturelle.

 

Le numérique : outil de prescription et tremplin pour améliorer l’accessibilité et l’attractivité des lieux culturels

Le paradoxe entre l'intégration croissante des pratiques touristiques avec les réseaux sociaux et les outils numériques, et la réticence persistante à exploiter pleinement le numérique pour améliorer l'accessibilité et l'attractivité des lieux culturels souligne une utilisation prédominante du numérique pour orienter les flux en amont de la visite, renforçant ainsi l'entre-soi dans le secteur culturel.

C’est pourquoi il nous paraît aujourd’hui primordial de réfléchir à des moyens permettant d’améliorer de manière plus systématique l’accessibilité des lieux patrimoniaux, en intégrant le numérique non seulement comme outil de prescription de visite mais aussi et surtout comme partie intégrante de l’expérience offerte par les sites culturels et patrimoniaux.

Si rendre les lieux touristiques culturels plus accessibles est d’abord passé par la mise en place de mesures concrètes telles que des audioguides ou visioguides adaptés à chaque public, ainsi qu’un travail en étroite collaboration avec les professionnels du tourisme pour proposer des programmations attractives, narratives et captivantes, force est de constater que ces dispositifs qui ont certe apporté un regain d’ergonomie à la visite des sites, n’ont pas permis de démocratiser significativement la visite des lieux patrimoniaux.

Pour aborder cette difficulté, deux leviers mériteraient d’être davantage pensés et activés : l’articulation entre numérique et récit de visite, et la dimension artistique du numérique.

La qualité du récit, augmenté par les potentialités du numérique (visite interactive et immersive, réalité mixte ou virtuelle, guides de visite, etc.) ne saurait bien sûr fonctionner sans une attention renforcée apportée à la qualité globale de visite, aujourd’hui conditionnée par la qualité des points de restauration, l’ergonomie et la présence suffisante des lieux de repos, des espaces temporaires vivants, des modules conviviaux pour les enfants et les familles. Trop nombreux sont les lieux, qui sous-estiment cette dimension liée à l’expérience globale de visite, en réalité un prérequis pour une visite plaisante et accessible. La gestion, l’opération et la mise en exploitation de ces environnements pourrait d’ailleurs davantage s’inspirer des bonnes pratiques de certains parcs à thèmes : donner du rythme à la visite, créer un lien avec la situation personnelle de chaque visiteur et accorder de l’importance au plaisir de visite.

 

Dialogue fertile entre art et technologie : le secret d’une démocratisation culturelle

Pourquoi et comment renforcer l’articulation entre numérique et récit de visite ? Pour redonner envie au public de goûter aux pratiques culturelles, le prendre par la main tout en racontant une histoire avec un fil rouge accessible au plus grand nombre est essentiel. Cette dimension scénaristique des lieux culturels ne cherche pas à imposer un discours mais au contraire à le questionner au fil de la visite, à servir de trame pour lever les barrières et a priori que nombre de visiteurs potentiels peuvent avoir, se privant d’expériences dont ils ne connaissent pas encore les “codes”.

Ce récit peut aujourd’hui être magnifié, augmenté par des dispositifs interactifs et immersifs qui ont vocation à se glisser naturellement dans le parcours de visite, donnant envie de venir découvrir et de décoder la richesse patrimoniale des lieux. Il s’agit ici de tisser un lien organique entre le visiteur, quelle que soit son origine, ses croyances ou ses pratiques, avec un lieu.

Les lieux hybrides combinant un récit augmenté et un contact authentique et direct avec le sujet traité sont des pratiques qui ouvrent de nouvelles perspectives : on peut ici penser au succès de la Cité du vin de Bordeaux, au programme en cours de conception du nouveau Palais de la découverte à Paris, mais aussi à l’utilisation à bon escient de dispositifs immersifs dans des bâtiments prestigieux mais insuffisamment connus du grand public, comme le dôme des Invalides qui accueille depuis peu un spectacle unique en son genre.

Diffuser plus largement les outils numériques dans les lieux, même s’ils viennent en appui de récits de visite repensés, rencontre néanmoins une limite, celle de la confrontation avec l’objet ou le lieu authentique. Les dernières générations d’installations numériques nécessitent une approche créative et artistique, qu’il s’agisse de la construction du récit proposé et plus largement de la conception du dispositif. La France a d’ailleurs la chance de disposer d’un vivier de concepteurs multimédia parmi les meilleurs du monde.

Dans la plupart des grands projets de tourisme culturel où le numérique a été pensé à la fois comme outil et comme art, un nouveau type de public a été attiré, et au surplus le projet a permis de créer de nouvelles œuvres à part entière. Le succès de ces lieux est la démonstration que des sites nouveaux bâtis autour d’un récit fort et d’un dialogue fertile entre l’art et la technologie permettent de toucher le plus large public, de lui donner surtout l’envie de comprendre le monde qui l’entoure.

N’est-ce pas là l’objectif premier d’une politique de démocratisation culturelle ? Certains lieux n’ont bien entendu pas besoin d’être répliqués mais ils pourraient peut-être davantage s’inspirer du plaisir de visite offert par des lieux pensés pour répartir les flux et accompagner le visiteur tout au long de la visite. Faut bien rêver !

Cette approche combinant récit et art numérique permet au final de s’ouvrir à de plus larges publics, notamment grâce à des expériences augmentées et ludiques désacralisant le rapport au patrimoine, à l’art et aux œuvres. La richesse de l’expérience dépend désormais non seulement de la qualité des contenus, mais aussi, et surtout, de la créativité avec laquelle ces contenus sont présentés aux publics, toujours dans un but commun qui est de donner les clés de compréhension afin d’attirer de nouveaux publics tout en diversifiant l’offre, permettant ainsi de lutter contre le surtourisme et de rendre la culture plus attractive pour tous !

 

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