Nous avons posé les questions à Didier Sylvestre directeur adjoint d’Exotisme en charge du commercial
Tour Hebdo : Les voyageurs ont-ils changé depuis le covid ?
Didier Sylestre : Oui, incontestablement, mais avec des nuances et des différences en fonction des populations cibles.
Tour Hebdo : C’est-à-dire ?
Didier Sylvestre : Sans surprise, la jeune génération se montre plus sensible aux bonnes pratiques environnementales et souhaite s’inscrire dans le respect des bonnes pratiques. Par contre, et c’est un peu schizophrénique, les solutions les plus durables étant la plupart du temps plus onéreuses, nous constatons que l’envie de voyager prime avant tout. Au final, l’élément prix reste déterminant la plupart du temps.
Tour Hebdo : Alors ?
Didier Sylvestre : Dans notre inventaire, si nos offres de packages restent stables d’une année sur l’autre avec globalement les mêmes destinations, nous avons élaboré ces dernières saisons davantage d’offres de packages avec des prestataires qui s’engagent localement en matière de bonnes pratiques environnementales. Par exemple nos équipes ont conçu un auto-tour éco-raisonné en voiture électrique à la Réunion de façon à coller aux envies du marché.
Tour Hebdo : Comment mesurez-vous ces tendances ?
Didier Sylvestre : Par les remontées « terrain ». Notre équipe commerciale, en charge de l’animation des ventes, pratique des analyses permanentes. Il faut d’abord rappeler qu’Exotismes est avant tout un TO BtoB. Nous sommes revendus par des agences de voyages partenaires. Ces tendances sont donc celles de notre réseau d’agents de voyages composé de plusieurs milliers de professionnels.
Tour Hebdo : Que vous analysez ?
Didier Sylvestre : Oui, et pour avoir la meilleure perception des clients, nous avons créé une cellule dont la mission consiste à interpréter comme analyser l’évolution des attentes des voyageurs. C’est une aide précieuse pour comprendre le marché. De plus, les consultations des pages de nos sites internet de la France, la Belgique et la Suisse, nous donnent des informations en temps réels qui nous permettent de mieux anticiper les tendances pour les marchés francophones.
Tour Hebdo : Alors, quelles sont ces tendances ?
Didier Sylvestre : Un large mouvement des vacanciers d’été cherchant à s’éloigner de la chaleur excessive et du bassin méditerranéen et fuyant le sur-tourisme des régions européennes. Devant cette situation, nous avons pris les devants en augmentant nos capacités sur des destinations alternatives. C’est le cas, par exemple, avec l’océan indien bénéficiant d’un hiver austral très agréable. Ces packages se retrouvent estampillés dans notre programme « Poker », que les agences de voyages connaissent bien. Sans compter que toutes les îles que nous proposons sont régulées par les arrivées aériennes, ce qui limite les effets néfastes du sur-tourisme.
Tour Hebdo : C’est un argument de vente, en effet. Les clients adhèrent ?
Didier Sylvestre : Oui, et ce succès s’explique par l’évolution des comportements. Précédemment les clients sélectionnaient une destination et nous demandaient les produits correspondants. Mais, les contenus sur le voyage se multipliant partout ! Les futurs voyageurs passent de plus en plus de temps sur internet. C’est paradoxal, mais cette prolifération de l’information exige des arbitrages et des éclaircissements. Ils ont besoin d’être guidés et confortés dans leurs choix. C’est pourquoi nous nous attachons à présenter des offres de voyages avec la pédagogie adaptée : pour les agences de voyages en ligne, les moteurs de recherche, les réseaux sociaux, la télévision, les méta-moteurs de voyages… et bien entendu, sur les vitrines des agences de voyages.
Tour Hebdo : Comment répondre à cette exigence de RSE qui s’affirme de plus en plus ?
Didier Sylvestre : D’abord, on ne peut pas mentir aux clients. Les voyages seront toujours un facteur de pollution, a fortiori quand ils sont lointains. Reste que nous avons décidé d’agir, là où nous sommes capables d’agir. A notre niveau : nos bureaux étant situés au pied des collines ensoleillées de Marseille, nous les avons équipés de panneaux photovoltaïques, afin d’être quasiment en autonomie énergétique. Ensuite nous avons décidé de supprimer toutes les brochures et de les remplacer par un catalogue digital interactif et réservable 100 % en ligne sur 2 ans.
Tour Hebdo : C’est bien accepté par les agences ?
Didier Sylvestre : Aujourd’hui les agences de voyages partenaires n’ont plus aucun blocage. Elles ont compris tout l’intérêt de partager avec leurs clients un catalogue personnalisé aux couleurs de leur marque. C’est beaucoup plus efficace que de remettre à un prospect une brochure avec son adresse collée au dos… Avec en prime la magie d’internet qui permet à une agence de Bretagne de valider à toute heure une réservation d’un alsacien qu’elle ne connaît même pas !
Tour Hebdo : Quelle évolution !
Didier Sylvestre : On ne va pas se mentir, être précurseur n’est pas toujours facile. Il s’agit de prendre des risques. Lorsque nous étions le premier TO à supprimer les cahiers des prix il y a 15 ans, bon nombre nous ont traités de fous ! Certains réseaux d’agences nous avaient même menacés de déréférencement… Pour les brochures en ligne, le contexte est différent. Le confinement nous a aidés. La pandémie imposait de pouvoir continuer de travailler, tout en maintenant nos distances. Les habitudes ont été prises. Maintenant au lieu d’imprimer des centaines de milliers de catalogues et de transporter des tonnes de papier, ce sont des millions de brochures qui sont transférées dans les smartphones et les tablettes des clients des agences.
Tour Hebdo : Historiquement vous avez toujours misé sur la technologie
Didier Sylvestre : Nous souhaitions être autonomes sur les sujets technos. C’est pourquoi nous avons constitué une équipe Recherche et Développement. Aujourd’hui nous continuons avec l’IA. La période de sortie de crise Covid nous a permis d’accélérer en interne le développement de l’Intelligence Artificielle. Il s’agit d’un outil propre à Exotismes qui propose des fonctionnalités adaptées à nos besoins. Il est enrichi par notre propre data et sécurisé sur notre propre serveur. Nos équipes de ventes ont été les premiers utilisateurs, pour être en mesure d’analyser le contenu d’un mail et de répondre immédiatement, avec plusieurs propositions adaptées. Nos conseillers sont aujourd’hui plus rapides, plus pertinents et gardent la main en choisissant au final la proposition qui correspond le mieux aux clients.
Tour Hebdo : La technologie au service du client
Didier Sylestre : C’est le cas par exemple avec le paiement des voyages de façon fluide et sécurisée en cryptomonaies. Il s’agit d’une première sur le marché des voyages en France. En 2024, le phénomène s’est accéléré puisque 1 français sur 8 investit dans les cryptos. Les détenteurs sont de plus en plus jeunes. Ils n’hésitent pas à faire leurs achats en ligne. Y compris pour un voyage dans les îles !
Tour Hebdo : Autre trait de caractère historique, vous avez toujours été BtoB
Didier Sylestre : En effet, nous avons toujours privilégié notre réseau d’agences de voyages. C’est même dans l’ADN de l’entreprise. Pourquoi ? D’abord parce qu’Exotismes est un TO qui ressemble beaucoup aux agences de voyages : une équipe de professionnels passionnés autour d’une structure familiale et qui reste fidèle à ses valeurs et à ses destinations. Notre stratégie BtoB est clairement assumée dès sa création, sans louvoiement.
Tour Hebdo : Pour conclure, vous êtes optimiste pour l’avenir ?
Didier Sylestre : Quand Exotismes a été créé il y a plus de 35 ans, les cassandres de la profession prédisaient la fin des agences de voyages et du tour-operating… un modèle économique ancien qui serait dépassé au tournant des années 2000 par la désintermédiation et par les nouvelles technologies. Vous voyez qu’il n’en est rien. A nous de nous adapter à la donne actuelle et répondre avec pertinence aux exigences des clients d’aujourd’hui.