C'est à la demande du Gouvernement, dans le cadre du plan de relance tourisme, que la Banque des Territoires a lancé Alentour, afin de digitaliser le plus large catalogue possible d’activités de loisirs dans tous les territoires français. Ces activités seront proposées aux voyageurs par les hôtels, campings, et résidences de tourisme, ainsi que par les offices de tourisme et les comités régionaux du tourisme. Afin de préciser le mode de fonctionnement d'Alentour, Timothée de Roux, CEO de la plateforme, a répondu à nos questions.
Tour Hebdo : Lorsque le ministre Jean-Baptiste Lemoyne a évoqué le lancement de cette plateforme au salon IFTM Top Résa, Jean-Pierre Mas, président des entreprises de voyage, a réagi en indiquant que toutes les précédentes tentatives dans ce sens avaient échoué. Pourquoi celle-ci réussirait ?
Timothée de Roux : Il y a plusieurs facteurs clés de succès que nous avons pris en compte avant de nous lancer. Tout d’abord, Alentour est positionnée sur le segment des activités touristiques et de loisirs. Un segment qui n’est pas encore digitalisé, qui est ultra-fragmenté, mais qui représente tout de même un maillon clé pour la filière. Aujourd’hui, uniquement 5% du volume d’affaires du segment des activités (total estimé à 22 milliards d’euros), vient des réservations digitales. C’est 50% pour l’hébergement et 71% pour le transport. Le potentiel est donc énorme, il y a une vraie opportunité. Ensuite, il faut dire qu’Alentour est une société issue d’une large consultation d’acteurs du secteur, d’acteurs nationaux, de prestataires, de destinations, dont notamment ADN Tourisme (la Fédération nationale des organismes institutionnels de tourisme) qui faisait partie du comité consultatif. Pour une initiative comme la nôtre, arriver avec l’esprit ouvert, être à l’écoute des besoins des régions et des prestataires, et chercher ensemble des solutions adaptées à ceux-ci est très important.
T.H. : Dans quelle mesure le maillage territorial de la Banque des Territoires, qui a lancé cette plateforme, va aider à la développer ?
T.d.R. : Il est vrai que cette fine connaissance des acteurs régionaux va nous permettre d’enrôler les différentes parties prenantes, que les grandes plateformes américaines ou OTAs ne peuvent pas adresser aujourd’hui. Il est vrai qu’il y a eu par le passé d’autres tentatives de digitaliser l’offre touristique française, mais elles avaient toutes un modèle économique différent du nôtre. Certaines, par exemple, proposaient de vendre leur technologie aux collectivités territoriales, et agréger ainsi l’offre des CDT, CRT et des offices de tourisme sous une même plateforme, qui était donc une sorte de « vitrine » ; c’était un modèle de type média. De notre côté, nous avons choisi de mettre en place un modèle économique transactionnel, où la commission n’est pas prélevée auprès des distributeurs mais auprès des prestataires d’activités qui retrouvent plus de visibilité et réalisent donc plus de ventes grâce à notre plateforme.
T.H. : Et pour les hébergements touristiques et institutionnels du tourisme ?
T.d.R. : La solution est totalement gratuite pour les prescripteurs, qui vont pouvoir proposer une sélection d’activités réservables en ligne aux visiteurs. Pour les prestataires d’activités, la commission que nous prélèverons sera systématiquement mieux-disante que celle proposée aujourd’hui par les OTAs, elle va tout inclure (les intermédiaires, les moyens de paiement), et elle pourra être ajustée en fonction de la taille et du potentiel d’activité du producteur.
T.H. : Alentour va-t-elle aider les professionnels à améliorer l'expérience utilisateur des clients ?
T.d.R. : En ce qui concerne la brique technologique, notre force réside dans une UX très simple et intuitive de la plateforme, développée par un expert du secteur, Amadeus, pour nos cibles professionnelles. Par ailleurs, nous arrivons au bon moment : il y a une vraie demande des consommateurs finaux, nous l’avons vu avec la crise sanitaire, qui a accéléré la transition numérique en général, notamment vers des modes de paiement digitaux, et cela est d’autant plus vrai pour les générations digital-native.
T.H. : Quels sont les liens B2B que la plateforme aidera à tisser ?
T.d.R. : L’objectif de la plateforme est de faciliter la distribution et la réservation des activités touristiques. D’un côté, nous allons digitaliser les prestataires d’activités, en rendant leur offre réservable en ligne, pour la proposer ensuite aux hébergements touristiques, aux institutionnels du tourisme, ou encore à des plateformes numériques. Ces prescripteurs proposeront ensuite cette offre d’activités réservables à proximité à leurs clients. Il s’agit d’un modèle B2B2C « gagnant-gagnant-gagnant ».
T.H. : C'est-à-dire ?
T.d.R. : D'abord, Alentour permet aux hébergements touristiques et aux institutionnels du tourisme d’améliorer leur expérience client et de valoriser le patrimoine naturel, culturel, sportif, artistique et gastronomique de leur région, en leur donnant accès à un catalogue d’activités riche et varié. Mais la plateforme permet aussi aux prestataires d’activités d’augmenter leurs ventes et leur visibilité grâce au digital, et les encourage à innover. Enfin, Alentour met à portée de main des consommateurs finaux, les voyageurs qui réservent souvent leurs activités de loisirs une fois arrivés à la destination, surtout en fonction de la météo, une offre agrégée d’activités touristiques réservables en toute simplicité depuis leur smartphone (SMS, QR Code, e-mail), via ses partenaires prescripteurs.
T.H. : Cette initiative, qui vient du gouvernement, ne pourra pas prendre d’essor significatif sans partenaires. Quels sont ceux qui participent à son développement ?
T.d.R. : Alentour a été lancée à la demande du Gouvernement, dans le cadre du plan de relance tourisme, par la Banque des Territoires, en partenariat avec Amadeus et Dawex. Ainsi, la solution technologique d’Alentour est développée par Amadeus, qui apporte son expertise en matière de digitalisation et de distribution de contenus pour l’industrie du voyage. Alentour s’appuie également sur la technologie de Dawex, fournissant le « data sharing hub » indispensable pour assurer la sécurité et la traçabilité des échanges de données, en conformité avec les règlementations. Nous avons également passé des accords avec des entreprises de gestion de la réservation d’activités en ligne, des BMS (Booking Management Systems) comme Regiondo, Bookingkit ou Holibob, qui sont connectés à Alentour et qui permettent d’agréger les activités pour ensuite les redistribuer aux hôtels, agences de voyage et institutionnels du tourisme.
T.H. : Et avec les institutionnels ?
T.d.R. : Nous sommes déjà en contact avec des Offices de Tourisme et Comités Régionaux du Tourisme qui souhaitent se connecter à Alentour et qui connaissent très bien l’offre touristique de leur région. Nous avons d’ailleurs signé un accord avec l’agence Côte d’Azur France : notre solution est connectée en marque blanche à leur site web. C’était notre premier territoire d’expérimentation, lancé en juillet. Le prochain territoire de déploiement comprend la Savoie et la Haute-Savoie, dans le cadre d’une coopération avec l’Agence Savoie Mont-Blanc, et nous sommes également en discussions avec Charentes Tourisme, l’OTCP, le CRT Île-de-France… La majorité des CRT ont compris le bien-fondé de la plateforme, à la fois pour qu’on distribue leurs activités mais aussi pour qu’on leur apporte de nouvelles activités à proposer aux voyageurs. La plateforme sera progressivement déployée dans toute la France en 2022.
T.H. : Cette plateforme est lancée pour répondre à la crise, ou vous avez une ambition à plus long terme ?
T.d.R. : La plateforme est née sous l’impulsion du Gouvernement et de la Banque des Territoires avec pour objectifs d’accélérer la digitalisation des petits acteurs du tourisme local, les soutenir pendant la sortie de crise, et conserver une forme de souveraineté numérique sur un maillon essentiel de la filière tourisme : les activités de loisirs. Alentour reste une entreprise avec des objectifs « business » ambitieux à moyen et long-terme.
T.H. : Comment fédérer techniquement des fournisseurs qui, par leur diversité, présentent des systèmes informatiques de réservation différents ?
T.d.R. : En réalité, les prestataires d’activités touristiques ne sont pas encore digitalisés. Notre positionnement vise l’interopérabilité des systèmes. Nous agrégeons les offres issues de différents systèmes de réservations ou agrégateurs et nous orientons les prestataires d’activités non digitalisés vers l’outil qui leur correspond le mieux.
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