Fabrice Dariot, Président fondateur de Bourse des Vols (entreprise française pionnière en intelligence artificielle dans le tourisme) explique jusqu'où l'IA peut aller dans le secteur
Assistons-nous à un nouveau basculement technologique et commercial avec l’IA et son développement médiatisé auprès du grand public, à savoir l’intelligence artificielle générative façon ChatGPT ou Bard? Et pour les professionnels du tourisme, alors ? Oui, chez quelques pionniers. Pour les voyageurs ? Bientôt ! Résumons la situation.
Incontestablement, pour les entreprises du tourisme (digital ou pas), les voies de la richesse d’aujourd’hui et de demain restent conditionnées par leur capacité à collecter de la donnée en masse. Pour autant, si cette dernière semble inépuisable, il revient aux responsables marketing de savoir comment l’extraire, la stocker en grandes quantités et surtout de lui trouver un usage profitable.
Le véritable défi n’est donc pas celui de la donnée en elle-même, mais du savoir-faire des responsables informatiques et data-scientifiques pour la traiter. C’est vrai aussi bien pour l’agence de voyages de quartier qui doit stocker et croiser toutes les informations de ses clients, que de la multinationale qui fait exactement la même chose, mais à plus grande échelle et de surcroit procède à des enrichissements à valeur ajoutée de la data.
Quoi qu’il en soit, petite ou grande entreprise, se retrouvent rapidement à la tête d’une masse d’information qui devient rapidement incontrôlable de par sa taille, son hétérogénéité et sa complexité.
On arrive à un point technologique où le traitement de la donnée s’appréhende autrement que par des outils classiques pour être capable de gérer un volume d’informations numériques car trop considérable.
Et la collecte des informations utiles s’accélère :
-Prendre en considération quotidiennement les tweets et informations sociales pour affiner les perceptions des offres touristiques.
-Traiter en temps réel les évènements pour en diagnostiquer les tendances.
-Prendre en compte l’ensemble des données structurées (titres de transport, descriptifs hôteliers, tarifs…) et les autres sous tous formats : vidéos, fichiers, etc…
Arrive à point nommé, l’Intelligence artificielle, alias IA qui s’accompagne de la faculté des systèmes d’apprendre par eux-mêmes. S’il doit y avoir un basculement, c’est à ce niveau qu’il se situe. Pour la première fois, des résultats peuvent être produits à partir d’algorithmes programmés de manière non séquentielle pour une exploitation commerciale réelle.
Un exemple l’intelligence artificielle générative : ChatGPT
La machine apprenant se révèle aux yeux du grand public avec le médiatique ChatGPT, accompagné d’une campagne de vulgarisation considérable. Il faut dire que son usage ultra simple permet au commun des mortels, par une banale formulation de requête en langage clair, de se lancer dans le jeu, sans formation aucune.
Dans le voyage, comment s’en servir à un niveau professionnel ?
Fabrice Dariot, Président fondateur de Bourse des Vols, entreprise française pionnière en intelligence artificielle dans le tourisme expose les cinq axes sur lesquels son entreprise est à pied d’œuvre.
Tour Hebdo : Pensez-vous que l’IA puisse servir les professionnels du tourisme ?
Fabrice Dariot : Nous sommes passés en vingt ans, de la base de données relationnelles à la gestion de la Big Data. Cependant nos métiers ne vont pas changer de nature. Si nous pouvons disposer de nouveaux outils pour mieux travailler, pourquoi ne pas nous en servir ? L’intelligence artificielle est une révolution dans l’outillage informatique, pas encore dans la mission des métiers.
Tour Hebdo : Dans quel domaine principalement ?
Fabrice Dariot : Dans de nombreux domaines... et j’ai d’ores et déjà identifié cinq axes. Le premier d’entre eux est la génération de contenu. Un professionnel, peut, en un instant pourvoir disposer de contenus, clairs, propres, diversifiés, en plusieurs langues, etc. C’est un progrès assez considérable pour les catalogues, les argumentaires, les pages « froides ou tièdes » des sites internet…
Tour Hebdo : Oui, mais de là à confier à la machine la responsabilité des réponses… téléphoniques sur centre d’appels, par exemple !
Fabrice Dariot : Apporter une réponse claire à son client ne tolère aucune erreur. Pas plus que l’humain, l’IA ne garantira jamais 100% de pertinence. En revanche, qu’un agent conversationnel téléphonique d’intelligence artificielle puisse promettre moins de 3 % d’erreur dans ses réponses c’est acceptable… d’autant que le système va par la suite apprendre de ses erreurs et les corriger par lui-même. Nous câbler dès le mois d’aout sur un système téléphonique piloté par IA est notre premier axe.
Tour Hebdo : Mais concrètement ?
Fabrice Dariot : Dans notre secteur du tourisme, rien de plus facile que de demander à la machine de recommander des hauts lieux et autres centres d’intérêt dans une perspective de city-break ou circuit. Concrètement, si vous êtes un professionnel du tourisme généraliste, vous pouvez utiliser ChatGPT comme un moyen de traitement de données tièdes, c’est-à-dire avant le départ. Vous aurez l’usage d’un outil intelligent, réactif et connecté, comme le Petit Futé peut le faire d’une façon classique. Mais vous n’êtes pas, pour l’instant du moins, dans la phase de prise de décision. Vous restez cantonné dans la préparation. En tout cas nous le faisons déjà en masse au quotidien et c’est notre second axe IA.
Tour Hebdo : Et la prise de décision ? Terminator n’est pas pour demain !
Fabrice Dariot : Si, mais dans le domaine militaire. Quand il s’agit de prendre la décision de tirer, c’est la machine que le fait ou le fera bientôt. Dans cette situation, la technique fonctionne. C’est pour cela que je n’exclus pas que nous y arrivions un jour pour nos métiers à un modèle de précision plus fin. Mais pour l’instant, ce n’est pas encore envisageable du fait de la non connexion avec les colossales banques de données tarifaires et d’inventaires… au contraire des marchés financiers, où le trading IA a débuté.
Tour Hebdo : Pouvez-vous nous donner un exemple d’utilisation de l’IA sur la Big data ?
Fabrice Dariot : L’exploitation d’un catalogue pléthorique de vols et hébergements…. et c’est notre axe trois. C’est le cas pour les grands circuits américains qui s’organisent autour de multiples combinaisons d’hôtels et d’options. Dans ce cas, l’IA générative peut apporter un service indéniable. Un call center va disposer d’un ‘’audiotel’’ nouvelle génération pour améliorer son service client pour 90% des demandes. Et quand l’outil va être confronté 160 fois à la même demande, il va apprendre de lui-même à apporter la bonne réponse.
Tour Hebdo : Quel est l’axe suivant ?
Fabrice Dariot : Bien entendu, la gestion du Big Data. L’outil va vous servir pour diagnostiquer où se situe l’information intéressante dans une masse de plus en plus impénétrable. Sans l’assistance d’outil sophistiqué, l’exercice devient compliqué, voire impossible. C’est dans l’extraction intelligente de la donnée que ChatGPT va vous aider le plus.
Tour Hebdo : Pour quel métier ?
Fabrice Dariot : Mais tous les professionnels du tourisme qui doivent recueillir les données de leur client, des TO au OTA, afin de les traiter pour améliorer les ventes, la fidélisation et surtout pour aller vers davantage de personnalisation.
Tour Hebdo : Et monter des offres ?
Fabrice Dariot : Pas pour l’instant. L’IA n’a pas encore accès aux banques de données tarifaires. Peut-être que ça viendra. On en est qu’a la première génération et vous savez, vous comme moi, que tout avance très vite. Mais pour le court terme, je vois surtout une réorganisation du travail avec une prise en charge de tâches répétitives par l’outil et une revalorisation des métiers pour plus de valeur ajoutée par l’humain.
Tour Hebdo : De votre côté, vous avez intégré de l’IA dans vos processus techniques et commerciaux ?
Fabrice Dariot : Oui, depuis maintenant quelques mois. Bourse des Vols veut garder sa petite avance sur la concurrence locale. De nouveaux outils se présentent à nous et j’ai délégué des équipes pour que nous ne soyons pas distancés et mieux, que nous restions un pionnier français dans différents domaines où des groupes américains excellent déjà… tels que la synthèse globale sur un service touristique. L’opinion d’intelligence artificielle qui remplace tous les avis humains par une synthèse syncratique. L’avis des avis est notre troisième axe d’intelligence artificielle.
Tour Hebdo : Lesquels ?
Fabrice Dariot : En collaboration avec des universitaires français de renom et des laboratoires de recherche IA nous mettons au point l’exploitation en temps réel des news politiques et aéronautiques pour modifier nos catalogues et ainsi réagir, avec un minimum de décision humaine, à tout incident : des incendies de Rhodes à la fermeture du ciel d’un pays. C’est notre axe quatre.
Tour Hebdo : Vous aviez évoqué un cinquième axe IA dans le tourisme, non ?
Fabrice Dariot : En marketing, les persona incarnent un archétype d'un groupe de personnes. Ces personnes ont en commun des motivations, des comportements et des choix de vie ou consommation. Ainsi ils représentent un groupe cible pour un produit ou un service donné. Nous sommes tous des persona. Et mieux cibler le concept dans le tourisme ? Nous y œuvrons déjà activement… mais il un peu tôt pour en parler.
Voilà, ce nos cinq axes IA, comme les cinq doigts d’une main… artificielle ?