Débarqué hier, le patron Frantz Yvelin garderait néanmoins le soutien des actionnaires majoritaires. Une guerre des clans se profile, sur fond de crise financière et de fermetures de lignes.
A chaque jour son lot de surprises chez Aigle Azur. Hier, à l’issue d’un Comité Social et Economique extraordinaire, on apprenait que le patron Frantz Yvelin avait été débarqué, remplacé par Gérard Houa, l’un des actionnaires minoritaires (Lu Azur, qui détient 19% d’Aigle Azur) qui s’est proclamé président. Ce dernier a confié la direction générale de la compagnie française à Philippe Bohn, ex DG d’Air Sénégal. L’annonce a été faite dans un courrier interne envoyé aux salariés, dans lequel les deux hommes expliquent que « les errements stratégiques des deux dernières années doivent cesser ».
Aujourd’hui, La Tribune dévoile que les deux actionnaires principaux, à savoir le groupe chinois HNA (49%) lui-même en voie de démantèlement pour faire face à des difficultés financières, et l’homme d’affaires américano-brésilien David Neeleman (32% du capital), ne l’entendraient pas de cette oreille. Selon le site économique, ils contestent la manœuvre effectuée en dehors de tout processus légal. David Neeleman pourrait déposer plainte contre ce que certains appellent un « putsch », reconnaissant toujours la légitimité de Frantz Yvelin.
D’ici là, le tribunal de commerce de l‘Essonne, département qui héberge le siège social d’Aigle Azur, devrait statuer en fin de journée sur la validité juridique ou non de la prise de pouvoir de Gérard Houa et Philippe Bohn.
Ces rebondissements risquent d’hypothéquer les plans échafaudés par Frantz Yvelin pour tenter de sauver ce qui peut l’être de la compagnie. Selon nos informations, ses créances (Urssaf, ADP, DGAC, location d’avion…) dépasseraient les 30 M€. La nouvelle direction autoproclamée assure qu’Aigle Azur a perdu plus de 50 M€ entre novembre 2017 et juin 2019, avec notamment le lancement de lignes moyen-courriers en Europe.
Vers un LBO ?
Elle estime que « toutes les solutions explorées jusqu’à présent ont consisté à brader les actifs dans une démarche de court terme, sans vision pour l’avenir et sans le réel souci de sauver l’entreprise ». En cause, particulièrement, le projet de vente à la découpe, notamment les activités vers le Portugal (l’un des cœurs de métiers historiques d’Aigle Azur avec l’Algérie) à Vueling ; projet qui ne permettrait pas pour autant d’éviter d’autres restructurations à moyen terme.
Certains évoquent désormais une autre piste, à savoir une reprise par les pilotes et une partie des salariés, dans le cadre d’un LBO (rachat par endettement), avec le soutien de partenaires financiers. Gérard Houa peut-il être celui-là ? Il dit « s’être appuyé sur des salariés déterminés » (les pilotes ?) pour prendre la présidence, et aurait assuré avoir réuni 15 M€. La stratégie pourrait consister à se recentrer sur l’Algérie, activité historique d’Aigle Azur qui représente encore 50% des recettes, mais aussi sur le Mali récemment développé, deux axes jugés porteurs qui ne subissent pas la concurrence des compagnies low cost.
En attendant, les déboires relayés par les médias accentuent la méfiance, des passagers comme des agences, et la valse des fermetures se poursuit. Les vols pour Berlin (lancés fin 2017 après la défaillance d’Air Berlin) et Milan (lancés à la rentrée 2018), ligne fortement concurrentielle avec un pont aérien opéré par Air France et easyJet et pour laquelle la direction prévoyait jusqu’à 18 rotations par semaine, n’ont tenu que quelques mois !
Côté long-courrier, la desserte de Pékin a fermé après seulement huit mois d'existence et le vol pour Sao Paulo prendra fin le 27 septembre. Les vols pour Kiev, Moscou et Beyrouth sont, pour l’heure, réservables jusqu’à fin février. Enfin, le Marseille/Dakar a été stoppé fin juillet.