Non seulement la SNCF renoue avec ses résultats de 2019, mais la hausse de 25% du début de l’année dans le voyage d’affaires laisse augurer une année record
Au global la croissance en ce milieu d’année, loisir plus business, avoisine les 10%. Cette performance devait être bien meilleure sans la parenthèse des Jeux olympiques, qui contrairement aux prévisions optimistes lancées par les organisateurs, a eu pour effet de figer l’ensemble des déplacements.
Une bonne occasion d’interroger Lawrence Tache, le nouveau directeur Agences de Voyages et Outils de Distribution. Ci-dessous : l’interview exclusive d’un homme qui parle sans ambages.
Tour Hebdo : Avec la hausse significative de voyageurs Pro, vous pouvez remercier les agences. Elles participent fortement à cette augmentation.
Lawrence Tache : La part de marché des agences de voyages se situe à 23%. Mais vous avez raison, avec un panier moyen bien plus élevé que la moyenne, elles contribuent activement à développer notre chiffre d’affaires sur des produits à valeur ajoutée. C’est bien pour cette raison que nous travaillons en étroite collaboration avec les EDV pour maintenir cet état de confiance entre nos services.
Tour Hebdo : Avec pourtant un « Boost » qui n’a pas vraiment arrangé la gestion des agences !
Lawrence Tache : Je relève beaucoup d’incompréhension sur ce sujet. Oui, nous avons entrepris d’adapter notre inventaire, qui datait de 1980, aux normes actuelles. Vous pouvez imaginer que depuis 40 ans la technologie a évolué pour être plus flexible et plus adaptable aux spécificités Métiers bien plus digitalisés. C’est ce que nous avons fait en commençant en 2017, car nous anticipions les changements à venir afin de pouvoir accéder aux offres de façon découplée. Mais il est vrai que nous sommes tributaires des intermédiaires qui ont aussi leurs calendriers et leurs contraintes.
Tour Hebdo : c’est-à-dire ?
Lawrence Tache : SNCF Voyageurs dépend, pour l’intégration de ses services, du rythme d’intégration propre à chaque partenaire technologique des agences.
Tour Hebdo : Mais quand même, deux ans pour accéder à l’offre Ouigo !
Lawrence Tache : C’est vrai que Ouigo n’a pas été pensé pour une distribution indirecte. Il a fallu reconstruire une architecture informatique complètement nouvelle. Ça a pris plus de temps que prévu. Une preuve supplémentaire, pour revenir à votre première question, de la nécessité de faire migrer notre inventaire pour mieux nous adapter au digital du monde d’aujourd’hui et gagner en réactivité.
Tour Hebdo : Oui, mais justement, pas au détriment des fonctionnalités et de la productivité des agences comme avec NDC !
Lawrence Tache : Je refuse le parallèle avec NDC : la problématique est complètement différente et la logique des outils de réservation n’est pas comparable entre l’aérien et le ferroviaire. Ce dont je veux bien discuter, c’est du sujet de la livraison du portail. Toutes les fonctionnalités ont été livrées comme prévu, mais toutes n’ont pas été intégrées par les partenaires technologiques. En parallèle, certaines fonctionnalités peuvent nécessiter des adaptations au regard des retours du marché.
Tour Hebdo : Vous pouvez comprendre le désarroi des agences qui avaient l’impression que : ‘’c’était mieux avant’’ !
Lawrence Tache : Nous avons répondu aux demandes de la profession. Nous avons présenté des solutions intermédiaires, le temps que l’ensemble des fonctionnalités soient opérationnelles dans le portail. Nous avons dégagé des ressources pour ça. Maintenant, j’entends certaines agences qui préfèrent attendre que tout soit implémenté pour commencer à utiliser l’outil. C’est un choix que je respecte, même s’il nous a demandé du temps homme que nous aurions pu utiliser sur d’autres chantiers.
Tour Hebdo : Et sur la productivité ? Les agences ont l’impression de passer plus de temps sur le nouveau portail.
Lawrence Tache : SNCF Voyageurs n’a pas constaté cette baisse car les résultats de vente réalisés par les agences sont bons. Des adaptations ont été faites par les agences au regard des nouveaux actifs logiciels livrés par SNCF Voyageurs et les partenaires technologiques… et si baisse de productivité il y a eu, nous avons travaillé conjointement avec les agences pour qu’elles puissent revenir à une situation nominale.
Tour Hebdo : Quand même, c’est un changement brutal…
Lawrence Tache : SNCF Voyageurs a travaillé avec les agences - dont les EDV - et les partenaires technologiques depuis février 2017 sur les changements apportés par PAO (Portail d’Accès aux Offres). De plus, l’utilisation de PAO a été progressive : d’abord pour TER, puis Eurostar et enfin TGV. Mais il était possible de passer par PAO aussi pour toute l’offre…. Encore une fois cela dépendait des choix des partenaires technologiques des agences quant au rythme d’intégration de PAO. Beaucoup de partenaires étaient déjà interfacés avec PAO depuis quelques années, mais le changement d'inventaire a accéléré ces migrations depuis les deux dernières années.
Tour Hebdo : Justement, en parlant de timing, les éditeurs de logiciel n’ont pas livré en même temps.
Lawrence Tache : Les éditeurs de logiciels définissent leur roadmap avec leurs partenaires agences de voyages. C’est donc une division entre les agences et leurs partenaires technologiques que je vous invite à consulter.
Tour Hebdo : Dans la série ‘’c’était mieux avant’’, la fragmentation des offres régionales en tant que nouvelles offres « autonomes » s’annonce comme une nouvelle galère pour les agences. Quelles solutions allez-vous proposer ?
Lawrence Tache : Nous travaillons pour améliorer les plus-values et limiter les moins-values. Les régions ne connaissent pas les spécificités et les contraintes de l’intermédiation. Nous si. C’est donc notre rôle de peser sur les process pour rendre les réservations plus fluides. Interne
Tour Hebdo : Difficile de comprendre ces nouvelles règles….
Lawrence Tache : C’est quand même plus logique que ce soit la région qui assure sa propre promotion plutôt que SNCF. SNCF Voyageurs travaille avec les autorités organisatrices, encore appelées régions, pour simplifier autant que faire se peut, tout en prenant en compte le fait que chaque région a repris la main sur son offre de transport.
Tour Hebdo : La concurrence ?
Lawrence Tache : Si on n’est pas bons, ça nous pousse à être meilleurs, si on est bons, ça nous pousse à le rester.
Tour Hebdo : Être bon, ça veut dire quoi pour vous ?
Lawrence Tache : Être capable d’offrir un produit pour tout public. Des petits prix pour rendre le train accessible à tous. Permettre aux personnes avec un handicap de pouvoir monter dans le train. D’offrir la palette de service demandée par le voyageur d’affaires, etc. Il est clair que la concurrence ne va pas descendre aussi loin. A nous de garder notre avantage.
Tour Hebdo : Oui, mais avec des prix élevés !
Lawrence Tache : Nous sommes une SA et nous devons dégager des profits que nous réinvestissons à 100% dans le ferroviaire. Cela dit, nous offrons une large gamme de prix qui peut aller de 5 euros pour un Ouigo issu d’un achat largement anticipé à un billet à 200 euros pour un homme d’affaires qui achète son parcours 2 heures avant. Les cartes Avantage et Liberté permettent à nos clients une bonne maîtrise budgétaire de leurs achats. Nous devons transporter nos voyageurs en prenant en compte toutes leurs spécificités. Pour autant, avec plus de rames et plus de places, nous parviendrons à contenir les prix.
Tour Hebdo : Que vous avez augmenté de 5% 2023 et de 206% en 2024…
Lawrence Tache : Alors que le prix de l’énergie a augmenté fortement ! L’idée n’était pas de répercuter l’inflation, mais d’appliquer une hausse raisonnable pour ne pas déstabiliser le marché. L’augmentation des ventes que nous observons cette année encore démontre que nous avons mis le curseur au bon niveau. Les agences s’en félicitent également, puisque le volume qu’elles génèrent est en forte progression.
Tour Hebdo : Mais avec une commission rognée.
Lawrence Tache : Fruit d’un accord signé avec les EDV comprenant des compensations comme la distribution de Ouigo. Mais leur rémunération n’a pas baissé puisque les 0.1 % de baisse de commission sont largement compensés par la hausse des ventes et des prix.
Tour Hebdo : Cette hausse des ventes, vous l’avez conquise par rapport à l’aérien, je suppose. Interne
Lawrence Tache : En partie, mais pas que. Nous présentons une offre plus large avec plus de trains et plus de places. Nous gagnons aussi sur le segment de la voiture pour des conducteurs qui voyagent seuls. Avec l’arrivée du TGV-M, cette tendance va s’accentuer avec des rames plus flexibles qui vont nous offrir une plus grande variété de produits.
Tour Hebdo : Vous attendez beaucoup de ce nouveau TGV ?
Lawrence Tache : Oui, avec des rames plus modulaires, nous allons pouvoir tester de nouvelles offres. Autre fait notoire, nous allons réaliser des économies substantielles sur le prix de l’énergie, ce qui est considérable.
Tour Hebdo : Et pour l’avenir ?
Lawrence Tache : Continuer de nous développer, d’offrir des services, de l’innovation pour que SNCF Voyageurs reste la compagnie ferroviaire préférée et de référence en France et en Europe. Tout le travail mené avec les agences et les partenaires technologiques depuis des années, porte ses fruits: Boost est livré et fonctionne. PAO expose les offres TGV/ IC ainsi que, plus récemment les offres OUIGO à toutes les agences intermediées.