Comme il est aisé de se réjouir à distance et a posteriori ! Mais on ne va pas bouder notre plaisir. Qui ne s’est pas identifié à ces manifestants, ivres d’une liberté toute neuve, défilant sur l’avenue Bourguiba à Tunis ? À cette adolescente, euphorique à l’idée d’échanger sans crainte avec le monde entier sur Facebook et Twitter ? À ce grand-père, ému aux larmes de laisser une Tunisie nouvelle à ses petits-enfants ? Un peu sonnés, on réalise peu à peu la somme de courage qu’il a fallu aux Tunisiens pour engager cette « Révolution du Jasmin ». Le jasmin… Petite fleur délicate aux effluves suaves, symbole de la douceur de vivre tunisienne. Un cliché sans doute pour l’essentiel de la population. Une réalité pour les touristes. Dans leur candeur consumériste, les vacanciers français se demandent encore comment ce pays, qui leur vaut tant de souvenirs insouciants, a pu renverser l’ancien régime en quelques jours. Dorade grillée sur la plage à Djerba, courbes parfaites d’une mosaïque au Bardo, rouleaux d’écumes iodés à Tabarka… Les images se télescopent avec celles, parfois très violentes, des affrontements des dernières semaines. Indécent, de penser à reprendre au plus vite la valse des avions vers les stations balnéaires ? Pragmatique plutôt. Il appartient aux nouveaux dirigeants de mener à bien le processus démocratique, tout en préservant le tissu économique, à commencer par l’industrie touristique, grande pourvoyeuse d’emplois et de devises. Compte tenu de l’implication des familles Trabelsi et Ben Ali dans le secteur, la mission s’annonce subtile. Mais au bout du tunnel, que l’on espère très court, les touristes français pourraient bien hisser plus haut encore la destination au palmarès des best-sellers. Et découvrir enfin qu’elle a plus à offrir que le soleil et la mer.