En voilà un gros mot… On n’a pas l’habitude à Tour Hebdo de donner des leçons de morale. En revanche, rabâcher quelques règles de bon sens et d’intérêts bien compris, ça oui ! À l’heure où les équilibres sont menacés de toutes parts, la remise à plat de la distribution des richesses est plus que jamais d’actualité. Un débat qu’il convient d’aborder débarrassé des oripeaux des vieilles idéologies et des modes de fonctionnement pavloviens, pour construire du neuf et du pérenne. La polémique autour de la taxe Chirac est à ce titre emblématique, à grands renforts d’arguments humanistes faisant parfois fi des logiques économiques d’un côté, et de réflexes corporatistes souvent aveugles de l’autre. Pour lancer le débat, nous ouvrons ce mois-ci nos colonnes à Jean-François Rial, dirigeant du tourisme et inlassable engagé (lire p. 34). Entre le médiatique Pdg de Voyageurs du Monde et les défenseurs acharnés de la marge des compagnies aériennes, le torchon brûle. Si l’on comprend qu’Air France, en pleine restructuration, ferait sans doute bon usage des 59 M€ reversés à Unitaid* en 2012, on suppose qu’une voie médiane peut être imaginée. Élargissement de l’assiette de cet « impôt citoyen » aux autres modes de transport ? Extension de la taxe Tobin sur les transactions financières ? À condition de mener au préalable une vraie étude d’impact pour éviter les mouvements incessants de balancier, sources d’incertitude et de défiance généralisées. Si tous les secteurs d’activité sont concernés par la façon dont on partage le gâteau au niveau mondial, le voyage est particulièrement exposé en tant qu’acteur et témoin privilégié des échanges internationaux. Comment fermer les yeux sur la question si souvent taboue des ravages du tourisme sexuel ? Là encore, on pourrait aisément situer le débat sur le terrain purement éthique. Le pragmatisme veut qu’on l’aborde aussi sous l’angle de l’efficacité économique : les entreprises du tourisme doivent pouvoir tirer profit de labels durables et responsables, auprès de clients sensibilisés (lire notre article p. 23 et 24). S’il était nécessaire de prouver que la performance économique peut se nourrir du respect non seulement des droits fondamentaux mais aussi d’une forme de bien-être partagé, le Cercle des économistes vient de publier une étude qui mérite réflexion. Selon elle, il suffirait que la majorité des salariés se sentent bien au travail (pour résumer, en s’affranchissant des effets de la financiarisation excessive) pour donner un point de croissance supplémentaire à la France ! Il existe une voie. C’est peut-être la seule.
* Organisation internationale créée en 2006 facilitant l’accès aux soins dans les pays défavorisés.