« Les emplois créés ne se substitueront pas aux emplois détruits, ni en termes de niveau de compétence requis, ni en termes de position sur la chaîne de valeur, ni en termes de répartition géographique. » Voilà. C’est le cabinet Roland Berger qui le dit dans son rapport Du rattrapage à la transformation. L’aventure numérique, une chance pour la France. Et il n’est pas le seul. Oui, la transition numérique crée de la croissance et donc des emplois, mais cela ne se fera pas sans casser des œufs. Combien ? Sur quelle période ? Personne ne connaît exactement la taille de l’omelette (si vous me passez cette métaphore douteuse pour évoquer des hommes et des femmes laissés sur le carreau de l’emploi et donc de la société de consommation). Tout le monde semble cependant d’accord sur un point : la théorie des vases communicants ayant ses limites, mieux vaut anticiper et accompagner la mutation de façon proactive (lire notre grand dossier p. 38 à 45). Faute de quoi, « la digitalisation de l’économie est porteuse d’un risque de déstabilisation des grands équilibres économiques, sociaux et géographiques, dont on voit déjà les effets », et de citer la « polarisation des revenus et accroissements des inégalités », et « la polarisation des chaînes de valeur ». Entendez qu’une poignée de grands et puissants acteurs privés pourraient bien rafler toute la mise avant longtemps. Aucun acteur ne semble pouvoir enrayer la puissance de feu des GAFA (Google, Apple, Facebook, Amazon…) autre qu’un membre de ce cercle très fermé. Ainsi, l’hégémonie de Google, dont les acteurs du tourisme peinent tant à se libérer, ne semble pouvoir être remise en cause que par un Facebook ou un Apple, mieux placés que le géant de Mountain View pour contrôler l’accès mobile et permettre de contourner le moteur de recherche. L’ère d’une nouvelle dépendance s’annonce-t-elle, avec son même corollaire de coûts d’acquisition faramineux ? Les entreprises tentent de suivre le mouvement, rapide, de cette transition, en adaptant les ressources aux attentes galopantes des clients. Ainsi, alors que l’on ne parlait que référencement (SEO, SEM), on s’arrache désormais les compétences des data analysts et autres spécialistes du CRM de pointe, partant du principe que l’expertise secteur (la connaissance du produit, du marché et des process de l’industrie touristique) est un prérequis. Pas le choix : bienvenue dans l’ère de la destruction créatrice. Reste à savoir quand la création dépassera la destruction. Monsieur Schumpeter, un indice s’il vous plaît !