Lorsque nous avons lancé le projet, l’été dernier, de réaliser un état des lieux du tourisme tunisien, en proposant à notre ancienne correspondante à Tunis, Élodie Auffray, de retourner sur place le temps d’un reportage, nous n’imaginions pas la descente aux enfers que vit aujourd’hui le pays. Ou peut-être ne voulions-nous pas l’imaginer. Après le Bardo et Sousse, Ben Guerdane, à la frontière libyenne et à quelques encablures de Djerba, nous rappelle à quel point les terroristes sont déterminés à faire vaciller les industries touristiques. Pas seulement en Tunisie, loin s’en faut, puisqu’à l’heure où nous bouclons ce numéro, Ankara vient d’être touchée pour la deuxième fois en trois semaines, et l’Afrique de l’Ouest une nouvelle fois visée, sur une plage de Côte d’Ivoire, après Bamako, au Mali, et Ouagadougou, au Burkina Faso. Et si l’on se contente de citer les attentats récents, on pourrait bien entendu ajouter Paris. Pour autant, si la menace se généralise et ne semble vouloir épargner aucune latitude (nord et sud), aucun site (ville et plage), il n’est pas certain qu’elle se banalise dans la tête des touristes. Elle reste perçue bien différemment selon que les attentats ont lieu en Occident ou en Afrique et en pays arabo-musulmans. En retrouvant ceux parmi lesquels elle a vécu plusieurs années après la révolution tunisienne, notre envoyée spéciale a pu mesurer le désarroi qui assaille les professionnels du tourisme, mais aussi leur courage et leur volonté de faire face, coûte que coûte. À l’image de certains hôteliers dont elle dresse le portrait, ou de Wahida Jaiet, énergique relais de l’office de tourisme en France. Nous tentons, de ce côté-ci de la Méditerranée, de mettre en lumière leurs efforts, et appelons de nos vœux (pieux ?), le maintien des capacités des opérateurs européens vers la destination. Si l’on considère que la morale et l’humanisme sont à laisser au vestiaire de la conscience personnelle, évoquons ici le pragmatisme : aider à préserver le tourisme tunisien, c’est contribuer à maintenir le pays du côté de la démocratie. Et ça, c’est un peu nous sauver nous-mêmes. Un enjeu pas banal…