On croyait en avoir fini avec la normalité. Depuis qu’un certain président en a fait un argument de campagne avant de se retrouver quatre ans plus tard dans un état proche de l’Ohio, la norme semblait définitivement has been. Détrompez-vous. En matière de consommation, la norme est devenue le truc hipster par excellence, le comble de l’avant-garde. En résumé, pour être dingues… soyons normaux. Comme les as du marketing ne sont jamais à court d’une récupération, la tendance a été identifiée, calibrée et baptisée : c’est le « normcore ». Étymologiquement, la combinaison de « normal » et « hardcore » suggère la banalité poussée à l’extrême. Tout un art. Dans la mode, cela fait deux bonnes années que le concept du « j’ai pas de style mais on me la fait pas » monte en puissance. Dans sa version lycée, personne ne l’incarne mieux qu’un ado garçon dont la chevelure laisse deviner une séance de deux bonnes heures devant le miroir pour avoir l’air… pas coiffé. Puissant ! Dans la Silicon Valley, le jean 80’s de Steve Jobs et le tee-shirt informe de Mark Zuckerberg en sont des prototypes hautement inspirationnels… Et dans le tourisme ? Comme le secteur a parfois une longueur d’avance, on se rappellera que le « mainstream » jalonne depuis des décennies les présentations du groupe TUI. Preuve que le touriste lambda a tout bon, lorsque le concept normcore a explosé aux États-Unis en 2014, une journaliste du New York Magazine constatait, en se promenant dans Soho, qu’elle ne pouvait plus distinguer les jeunes branchés des touristes de la classe moyenne américaine, les deux populations arborant le même non-style composé de jeans délavés, de polaires et de baskets standards. Du coup, on pose une question bête : n’y aurait-il pas urgence à assumer un positionnement « mainstream » dans le tourisme, plutôt que de tous vouloir courir après les segments premium et haut de gamme ? Le modèle a beau faire ses preuves et forcer le respect d’année en année, tout le secteur ne peut pas faire du Voyageurs du Monde…