« Touristophobie ». En attendant d’entrer dans le Larousse, le mot a envahi les journaux cet été. Partout en Europe, de Barcelone à Dubrovnik, de plus en plus d’habitants dénoncent les méfaits du tourisme de masse : augmentation des loyers, « dénaturation » culturelle et sociale, dégradations et pollutions… Il est vrai que le nombre de voyageurs dans le monde a doublé en quinze ans, passant de 674 millions en l’an 2000 à 1,2 milliard. Et ce n’est pas fini. L’Organisation mondiale du tourisme prévoit 1,8 milliard de touristes en 2030 !
Si ces « envahisseurs pacifiques » sont encore choyés, au motif qu’ils apportent dans leurs valises devises et développement économique, les levées de boucliers – qui vont à coup sûr se multiplier – obligeront les pays à repenser leurs stratégies à l’avenir. Avec un défi majeur : contrôler la croissance sans pour autant faire une sélection par le « fric » afin que le tourisme demeure une source d’épanouissement personnel accessible à tous. L’équation est difficile ! Pour l’heure, les initiatives sont encore anecdotiques. À l’image de la ville de Florence dont les agents municipaux arrosent chaque jour les marches des monuments pour empêcher les visiteurs d’y pique-niquer ! Plus sérieusement, du Machu Picchu à l’Alhambra de Grenade, de plus en plus de sites limitent le nombre de visiteurs quotidiens. Même Venise réfléchit à réglementer l’accès à la place Saint-Marc. En France, il n’est pas encore nécessaire de réserver son billet pour visiter la tour Eiffel ou le Mont-Saint-Michel. Mais il faudra vraisemblablement y penser. Et la « dictature » du chiffre demeure vivace, avec un objectif réaffirmé de 100 millions de touristes en 2020. Ce n’est pourtant qu’à travers un développement repensé, plus respectueux des populations et réorienté vers la création de valeur plutôt que le volume, que le secteur continuera à prospérer. À nous aussi, journalistes et professionnels, de faire passer le message d’un tourisme responsable. En commençant par arrêter de nous alarmer quand la France perd 1,5 % de visiteurs étrangers en 2016…