La crise n’épargne personne et encore moins le voyage d’affaires. Avec un trafic en baisse de 65% en 2020 par rapport au réalisé 2019, la SNCF tente de relancer le secteur à force d’incitation et d’action ciblée : coup de pouce de la carte liberté, promotion en faveur des voyageurs fréquents, communication sur un large choix de média…
Restent les défis à venir : la concurrence des réunions virtuelle qui semble s’installer définitivement dans le monde des entreprises, la crainte de voyager tant que le virus circule, le manque de perspective économique tant sur le plan domestique qu’à l’international. Sur fond de retour attendu des clients dans les agences de voyages principaux partenaire de la SNCF, Olivier Pinna directeur du Marché Affaires SNCF veut y croire.
Interview d'Olivier Pinna, directeur du Marché Affaires SNCF
Quotidien du Tourisme : Vous tablez sur un début de reprise des voyages d’affaires. Tous les professionnels du tourisme l’attende. Quelle est la situation du moment ?
Olivier Pinna : Le trafic « affaires » reste encore largement en dessous de nos performances de 2019 comme vous pouvez vous en doutez. Mais nous observons en septembre plusieurs signaux encourageants et un regain progressif des réservations business. Nos partenaires agences de voyages et nos clients entreprises confirment ces tendances.
Pour le loisir, le redressement est en revanche plus significatif : soutenu par une politique de petit prix et la nouvelle carte AvantageS, il vient d’afficher un + 12 % cet été par rapport à l’été 2020 et des niveaux assez proches de 2019 Au global, nous ne perdons pas de parts de marché. Dans une économie encore atone, ces résultats démontrent que l’activité commence à repartir. Pour autant, nous comptons sur le 2 éme semestre pour commencer à redresser durablement les ventes business qui sont les plus impactées par la crise.
Quotidien du Tourisme : De quelle façon ?
Olivier Pinna : Tout d’abord en stimulant, dès la rentrée et pendant plusieurs semaines, la reprise du marché « affaires » par des actions commerciales d’envergure autour de nos offres pros : réduction exceptionnelle sur la carte Liberté pour nos clients les plus fréquents, remise de 8% sur la 2nde classe pour nos clients pros occasionnels.
Ensuite, en étant à l’écoute de nos clients affaires et de l’évolution de leurs usages. Nous venons par exemple de lancer une offre spécifiquement adaptée au télétravail. Nous nous concentrons aussi sur l’offre de service : portail wifi renforcé, nouvelle offre de restauration à la place pour les clients 1ère sur Paris-Lyon. Renforcer la flexibilité est également une attente forte de la part des voyageurs d’affaires. Nous devons nous adapter et nous réfléchissons actuellement à de nouvelles propositions allant dans ce sens.
Quotidien du Tourisme : Quels sont les résultats ?
Olivier Pinna : Il est encore un peu tôt pour tirer un bilan chiffré du mois de septembre, mais nos analyses sont les mêmes que celles des TMC et des grandes entreprises : le marché domestique reprend davantage que l’international et le ferroviaire est mis en avant par les voyageurs d’affaires. On voit aussi que les ventes de première classe remontent. Notre politique d’incitation n’y est pas pour rien, bien entendu. Mais les précautions qu’impose la crise sanitaire avec le besoin de distanciation comptent dans ces choix.
Quotidien du Tourisme : Comment voyez-vous ‘’l’après’’?
Olivier Pinna : Je suis optimiste, et ce pour plusieurs raisons. D’abord, les atouts du train ne se démentent pas et restent plébiscités par le public et en particulier les voyageurs d’affaires : temps utile pendant le transport, voyage de centre-ville à centre-ville… Ensuite les mesures déployées pour sécuriser les déplacements, comme le port du masque obligatoire, le renouvellement régulier de l’air dans les TGV, les désinfections permanentes de nos trains, ont fait leurs preuves tout au long de la crise et répondent pleinement au besoin de réassurance des voyageurs et des entreprises.
Enfin et surtout, le train a une formidable carte à jouer en faveur d’une mobilité plus durable. La préoccupation environnementale est devenue aujourd’hui incontournable pour les citoyens, les voyageurs et les entreprises. C’est pourquoi, si nous estimons que 10% du trafic affaires, essentiellement les réunions de la journée, garderont la préférence des Zoom ou Teams, nous pensons que nous allons reprendre une partie de cette perte de chiffre d’affaires sur l’avion ou la voiture autrement plus consommateurs de Co2.
Quotidien du Tourisme : Vous avez des chiffes sur ce sujet ?
Olivier Pinna : Oui : à parcours identique le TGV consomme 80% moins de CO2 que l’avion et 50 fois moins que la voiture.
Quotidien du Tourisme : Quelle est l’ambiance dans votre grande maison ? Nous ne pouvons que constater la belle implication du moment de votre personnel de bord pour affronter la pandémie. Mais demain ?
Olivier Pinna : Pendant toute la crise, et encore aujourd’hui, nous avons été à la manœuvre pour contribuer à aider les Français à retrouver une vie normale et garantir la mobilité du plus grand nombre. Nos clients le perçoivent très bien d’autant que nous n’avons jamais arrêté de faire circuler les trains même lors du premier confinement. Nous avons aussi assuré les « trains blancs », les trains sanitaires, au plus fort de la crise. Nous sommes collectivement très fiers de tout cela. C’est d’ailleurs un des messages que nous voulons faire passer dans notre clip : la SNCF « pour nous tous ».
Quotidien du Tourisme : La concurrence vous fait peur ?
Olivier Pinna : Elle s’exerce à 2 niveaux : au niveau régional sous le régime des appels d’offres avec par exemple la Région Sud et l’axe Nice/Marseille, et au niveau de la grande vitesse comme sur la ligne Paris/Lyon, très empruntée par les voyageurs d’affaires. Cette dernière concurrence ne peut que nous stimuler et nous pousser à faire encore mieux pour nos clients. Nous sommes prêts. Et nous avons des atouts, à commencer par notre largeur d’offre, qui va de ‘l’offre lowcost OUIGO jusqu’aux nombreux aller-retours TGV que nous proposons quotidiennement sur la ligne. Sans oublier l’arrivée du TGV M, le TGV nouvelle génération, qui, malgré la crise, reste programmé pour 2024. Plus confortable, il offrira aussi une plus grande modularité qui nous permettra d’innover pour répondre aux nouveaux usages et attentes des voyageurs. Il sera par ailleurs encore plus « vert » que le TGV actuel, en consommant jusqu’à 20% d’énergie en moins et en étant à 95% recyclable.