C’est le sujet du moment : l’augmentation des taxes concernant le transport aérien ! Bonne occasion de demander à Jean-Pierre Sauvage, président du BAR France, pour décrypter cette mesure
Il devient plus que probable que ces dernières soient entérinées puisque nous nous dirigeons inéluctablement vers un 49,3 !
Et pourtant, le secteur se défend tous azimuts :
Christine Ourmières du groupe Dubreuil estime que cette mesure va altérer la rentabilité du pavillon français
La FNAM : alerte sur le risque de freiner la volonté du transport aérien d’aller vers la décarbonation. Marc Rochet qui proclame haut et fort que cette taxe n’est absolument pas justifiée
Steven F. UDVAR HAZY qui déclare au World Connect que définitivement nos politiques sont incompétents et ne connaissent rien au transport aérien !!!
Bref, on le voit l’interprofession se mobilise…
Qu’en pense Jean-Pierre Sauvage, président du BAR France ?
Tour Hebdo : François Durovray, notre nouveau ministre des transports, avance que 9,50 euros de plus sur un voyage sur l’Europe ne posera pas de problème au transport aérien. Qu’en pensez-vous ?
Jean-Pierre Sauvage : Que comme d’habitude nos gouvernants de savent pas mettre en perspective un secteur économique. 9,50 euros semble ne pas être insupportable, sauf pour certaines compagnies qui sont à un euro près ! Cette méconnaissance de la situation réelle de notre secteur économique de la part des politiques est consternante.
Tour Hebdo : Mais ils invoquent la nécessité de participer aux efforts de la nation pour lutter contre les gaz à effet de serre !
Jean-Pierre Sauvage : Mais ils font tout le contraire. Ils peuvent le faire croire au grand public, mais dans la réalité c’est tout l’inverse. Pour le comprendre, vous n’avez qu’à prendre les pourcentages générés par le transport aérien il y a 20 ans et maintenant et vous comprendrez.
Tour Hebdo : C’est-à-dire ?
Jean-Pierre Sauvage : Il y a 20 ans la génération d’émission gazeuse se situait entre 2 et 3%. Aujourd’hui de pourcentage n’a pas augmenté alors que le secteur s’est considérablement développé. Comprenez que le transport aérien a su investir pour réduire son impact environnemental. En proportion, il a réduit très sensiblement ses émissions. Si vous lui retirez les moyens de continuer dans cet engagement vertueux vis-à-vis de la protection de la planète, vous allez à l’inverse du but escompter.
Tour Hebdo : C’est donc un coup de com !
Jean-Pierre Sauvage : Plus que ça, c’est prendre en otage un secteur économique pour boucher les trous budgétaires. C’est grave, car le transport aérien s’est engagé dans une réduction drastique de ses émissions avec, par exemple, l’inclusion de SAF de 2% en 2025 et de 5% en 2O30. Nos dirigeants, plutôt que de taxer pour boucler le budget de la nation, devraient se mobiliser pour accompagner les efforts de notre industrie pour se décarboner.
Tour Hebdo : Comment ?
Jean-Pierre Sauvage : On se posant les bonnes questions : comment se fait-il que le SAF, ce carburant aux propriétés vertueuses, car ne produisant pas de gaz à effet de serre, coute 2 fois plus cher en France qu’aux US ?
Tour Hebdo : Oui, pour quelle raison ?
Jean-Pierre Sauvage : Car les US accompagnent la filière. Rien de cela chez nous ! Comme d’habitude, tout repose encore sur le seul transport aérien !
Tour Hebdo : Pourquoi encore ?
Jean-Pierre Sauvage : Car notre industrie, à elle seule, supporte toutes les dépenses ! Le contribuable n’a pas à payer le moindre euro ! Le contrôle aérien qui devrait être du domaine de l’état est totalement pris en charge par le transport aérien. Idem pour les infrastructures… et en plus on nous taxe, non pas pour investir dans chez nous, mais pour réduire les déficits des autres. Vous voyez ce que je veux dire...
Tour Hebdo : Vous pensez à la SNCF
Jean-Pierre Sauvage : Par exemple. Je restais dans l’idée que pour diriger un pays il faut de l’imagination. Visiblement, nos dirigeants n’en ont pas. Chaque ministre y va de ses taxes, et ça continue d’année en année.
Tour Hebdo : Quel est le montant grosso modo de ces taxes ?
Jean-Pierre Sauvage : Pas moins de 2 milliards dont la plus grande part revient de la redevance de route à hauteur de 60%.
Tour Hebdo : Vous parliez du grand public, il ignore tout ça
Jean-Pierre Sauvage : C’est bien pour ça que les politiques en profitent pour nous ponctionner alors que nous payons les infrastructures, nous collectons les taxes sur les aéroports, nous acquittons la taxe sur les nuisances sonores, celle sur les infrastructures longue distance, etc. je vous dis, chaque ministre invente, tour à tour, un truc supplémentaire…
Tour Hebdo : C’est vrai, hélas, que nous avons vu certaines compagnies au tapis et que d’autres sont des situations bien précaires.
Jean-Pierre Sauvage : Cela veut dire que l’élasticité tarifaire n’est pas infinie. Mais ce que je regrette le plus, c’est le manque de capacité de nos gouvernants à mettre notre secteur économique en perspective. Le transport aérien doit se décarboner. C’est vital pour son avenir et pour la planète. Toutes les taxes perçues devraient lui revenir afin d’accompagner dans sa transformation et ne pas servir à combler des trous. Nous valons mieux que ça pour la contribution économique que nous apportons au pays.
Tour Hebdo : Pour votre capacité à influer sur la croissance ?
Jean-Pierre Sauvage : Exactement. Ce n’est pas moi qui le dis, mais la Commission européenne. Elle affirme que l’aviation s’impose comme un contributeur essentiel de la croissance économique. Qui dit croissance, dit rentrées fiscales autrement plus salutaires pour la santé de nos entreprises que des taxes pour plomber notre rentabilité.