Quel rôle le tourisme peut-il jouer dans le contexte international révolutionnaire d’aujourd’hui? Comme les autres, ce secteur se veut désormais "durable", d’accord. Mais quelle traduction donner à ce qualificatif? Un tourisme respectueux de l’environnement, c’est bien, soucieux du bien-être des populations locales, c’est mieux. Mais encore. Le cas des 150 touristes français rapatriés du sud de la Lybie fin février, et qui "ne savaient rien des événements en cours" est, à mon sens, tout à fait sidérant et révélateur. Attention, personne n’est vertueux, et je n’ai ici aucune leçon à donner. Nous sommes nombreux à avoir admiré les pyramides de Gizeh au cours des trente dernières années, et beaucoup d’entre nous ont profité des plaisirs touristiques de la Tunisie, jusqu’à très récemment. Sans aller, comme certains, à entretenir des relations amicales avec les kassites des régimes concernés, il serait malhonnête d’affirmer que "nous ne savions pas" comment les peuples concernés étaient tenus d’une main de fer par leurs dirigeants. Doit-on pour autant ne plus visiter – ou vendre – la Birmanie, la Thaïlande, Cuba, voire la Russie? A dire vrai, la liste des régimes "contestables" est finalement bien trop longue pour tenir dans ces colonnes. Ce qui, en soit, est aussi révélateur de l’état du monde, que du dilemme moral d’en lequel devraient se débattre l’industrie touristique et ses clients. Ne plus y aller, ne plus proposer ces destinations? Quel seuil de tolérance accepter? Insoluble débat quand on sait que, dans beaucoup de contrées, la présence touristique est à la fois synonyme d’ouverture sur le monde et génératrice de ressources indispensables à la survie des plus humbles. On tance beaucoup ces derniers temps la "realpolitik" des gouvernements occidentaux face aux dictateurs de tout bord. Regardons mieux dans nos jardins. Le jasmin y a fleuri tout seul, à la surprise générale, et sans notre aide. Ses graines parcourent désormais le Maghreb à la vitesse de l’ADSL. Prenons le comme le symbole d’un futur ouvert au libre échange des idées, des personnes et des biens. L’Europe est, rappelons-le, la première destination touristique mondiale. Le fait qu’elle soit aussi un des plus grands espaces démocratiques du globe n’y est peut-être pas pour rien. À méditer.