Selon une étude publiée par Booking.com, à l’occasion des Traveller Review Awards 2024, la France occuperait la 3ème place du podium des « destinations les plus accueillantes au monde ». Cependant, peut-on généraliser cette conclusion ? Guy Raffour, spécialiste des études statistiques, nous aide à y voir plus clair.
Depuis qu’internet permet, avec une grande facilité, de lancer des sondages de tous types, ces derniers se multiplient. Mais quelle est leur valeur ? Pouvons-nous réellement, dans le cas présent, nous baser sur une étude réalisée par une seule plateforme qui ne sonde que l’opinion de ses propres clients ayant déposé un avis ? Tour Hebdo a tenu à faire le point.
Dans cette dernière étude, Booking.com indique la ‘’France comme étant le 3ème pays le plus accueillant au monde’’. Vous l’aurez compris, cette annonce a suscité notre étonnement. Nous avons donc fait appel à Guy Raffour, Fondateur du Cabinet Raffour-Interactif, pour nous éclairer d’un point de vue méthodologique.
L’étude Booking.com énumère les villes et régions françaises « les plus accueillantes » qui se seraient démarquées en 2023 et explique sa méthodologie : « Ces destinations ont été déterminées en fonction du nombre de partenaires récompensés par des Traveller Review Awards 2024, par rapport au nombre total d’établissements remplissant les critères nécessaires dans la ville ou la région en question (hébergements uniquement) ».
Conclusion, Booking.com a pris en compte les notes et commentaires égaux ou supérieurs à 8 (sur 10) de ses partenaires hébergeurs, reposant sur au moins 3 commentaires reçus au 30 novembre 2023 à 23h59. Ces résultats découlent donc uniquement de notes et avis déposés par les clients de la plateforme.
Guy Raffour explique : « Les résultats de cette étude ne sont pas représentatifs de l’ensemble des voyageurs nationaux et internationaux car ceux qui ont répondu sont des clients de partenaires commercialisés par Booking.com. Même si cette plateforme dispose d’une importante part de marché, ces résultats ne peuvent être considérés comme une photographie de l’opinion globale de tous les voyageurs. Les clients de Booking.com réservent essentiellement de l’hébergement, une des multiples composantes de l’accueil parmi d’autres comme les aéroports, gares, taxis, offices de tourisme, monuments, activités de loisir, restaurateurs etc.».
Autre aspect, les répondants sont des e-touristes. Guy Raffour rappelle, pour prendre l’exemple de la France, que « 25% des touristes de loisir ne sont pas des e-touristes et qu’une part des e-touristes ne réserve pas en ligne les prestations. »
Par ailleurs, il indique « il faut prendre en compte les comportements des individus. Certains sont enclins à déposer un avis, d’autres non. Ceci se traduit par une proportion de touristes qui n’ont pas donné leur avis. »
Guy Raffour nous rappelle que « le sujet de l’accueil est d’une grande importance alors que l’on se prépare à accueillir des millions de visiteurs pour les Jeux Olympiques. Si l’on souhaite mener une étude représentative de l’opinion des voyageurs dans leur ensemble, il faut alors élaborer un plan de sondage pour un terrain d’enquête administré à des e-touristes et à des non e-touristes, donc sans utiliser le média même qu’est internet, en ne sélectionnant pas des membres d’un panel (échantillon permanent d’individus), qui sont « professionnalisés » au fur et à mesure des réponses aux études pour lesquelles ils sont sollicités. Il faut donc mener des appels téléphoniques pour interviewer les voyageurs avec des enquêteurs professionnels et respecter des quotas basés sur 5 critères : sexe, âge, catégorie socioprofessionnelle, région, taille de la commune. Ces critères apportent la représentativité aux résultats, alors extrapolables en termes de conclusions à l’ensemble des voyageurs. »
Guy Raffour conclue ainsi : « si on tient compte, pour analyser les résultats présentés par Booking.com, de la description de la population concernée (rappel, celle de leurs clients e-touristes, ayant déposé un avis), cette étude apporte un éclairage intéressant en permettant d’attirer l’attention sur le sujet de l’accueil car les avis sont des opinions. Par ailleurs, leur méthodologie étant la même d’une année sur l’autre, ils peuvent alors comparer les résultats. C’est avant tout un outil pour animer leurs partenaires, les motiver à s’améliorer et communiquer. »