Le mercredi, c'est permis ! Thierry Beaurepère est de retour pour vous faire part de son humeur du moment. Cette semaine, il revient sur les résultats du parti Europe-Écologie-Les Verts aux élections européennes de dimanche dernier.
13,5% pour Europe Écologie Les Verts aux élections européennes, mais 28% chez les 25-34 ans, les voyageurs (et vos clients) de demain ! Le verdict des urnes est sans appel : la décennie 2020 se colore en vert… Le tourisme peut faire l’autruche, ou décider d’être à la pointe du combat. Mais il n’échappera pas à la lame de fond écolo, comme le rappelle le mouvement anti-avion, Flygskam, né en Suède, dont on s’est d’abord gentiment moqué — moi le premier — avant de constater qu’il décollait partout en Europe, largement amplifié par les médias.
Depuis quelques semaines, journaux et télés évoquent en boucle le boycott aérien qui frappe la Scandinavie, et rappellent les chiffres de l’Agence européenne de l’environnement : un passager en avion émet 285 grammes de CO2 par kilomètre, contre 14 en train ! Il est évident que dans ce contexte, le transport aérien aura du mal à échapper indéfiniment à une taxe sur le kérosène. En Suisse, deux élus écologistes réclament même que l’on signale aux passagers que « l’avion nuit gravement au climat » ! Les agences de voyages pourraient bien être la prochaine cible. Seront-elles vandalisées parce qu’elles contribuent à la pollution et au tourisme de masse, comme les boucheries sont aujourd’hui attaquées par les vegans ?
L'hypocrisie de certains...
Il ne s’agit pas de revenir à la charrette à bœuf. D’autant que ceux qui prêchent pour les mesures les plus radicales ne sont pas à un paradoxe près. Ils ont — souvent — contribué eux-mêmes à l’explosion du trafic aérien, traversant l’Europe pour quelques dizaines d’euros avec une compagnie low-cost pour voir si la fête était plus folle à Barcelone ou Budapest, sans se poser de questions sur les conséquences sociales et environnementales de leur voyage.
Il ne s’agit pas de suivre les recommandations de quelques gourous illuminés, à l’instar de Julien Goguel, auteur du manifeste Stay on the ground qui appelle carrément au boycott du transport aérien parce que voyager en vélo, c’est plus sympa. Et vive les vacances en Lozère ! Et que dire du sociologue Rodolphe Christin, auteur du Manuel de l’anti-tourisme, venu dénoncer les nuisances engendrées par le tourisme au congrès des Entreprises du Voyage (EdV) à Madère, qu’il a rejoint… en avion ?
...Le réalisme des autres
Pour autant, il convient de prendre avec sérieux cette vague verte qui pourrait finir par se transformer en tsunami. Récemment, Jean-François Rial, le patron de Voyageurs du Monde, invitait les professionnels à « se bouger pour ne pas aller dans le mur ». La tribune publiée il y a quelques jours par les patrons du tourisme, proposant la mise en place d’une « contribution planète » payée par les compagnies aériennes, fait espérer une réelle prise de conscience. Mais les lobbies sont déjà à l’œuvre pour dénoncer les conséquences d’une telle mesure sur l’économie — il est vrai fragile — du transport aérien. Pas gagné !
Il est néanmoins trop facile de rejeter la seule faute sur les autres. Avec la fronde qui s’annonce, agences et TO vont devoir aussi balayer devant leurs portes. Pourront-elles faire encore longtemps l’impasse sur la mise en place d’une taxe visant à compenser le CO2 émis par leurs clients ? Et si dans le contexte anxiogène actuel, une telle taxe - bien expliquée au consommateur - pouvait finalement se transformer en avantage concurrentiel ? Elle existe déjà chez Voyageurs du Monde, ce qui n’empêche pas le groupe d’afficher des résultats records !