Mercredi, c'est permis. Thierry Beaurepère est de retour pour vous faire part de son humeur du moment. Et, naturellement, il ne peut pas s'empêcher de rebondir sur l'épidémie de coronavirus qui paralyse progressivement l'économie mondiale... et le tourisme.
Roger Gicquel n’a pas le monopole de la terreur ! Dans le sillage du présentateur du journal télévisé de TF1 qui déclarait « La France a peur » en 1976, à une époque où la cravate était bariolée et l’écran expérimentait la couleur (à visionner sur Youtube pour les plus jeunes !), les chaînes infos font frissonner l’Hexagone. Comme une trainée d’aspirine, le coronavirus a remplacé la réforme des retraites sur les plateaux, au point de devenir plus célèbre qu’un Pokémon…
Ceux qui préfèrent la Desperados (à la Corona) pourront toujours rétorquer « même pas peur » ! Il n’empêche, la panique s’est emparée de notre pays et le racisme anti-asiatique se banalise. Inquiets à la seule vue d’un chinois masqué comme un voleur de mobylette, les Français dévalisent les pharmacies. Et ceux qui se sentent ballonnés après avoir avalé deux nems font sauter le standard du Samu. Rien de nouveau, à vrai dire : l’abus de rouleaux a toujours entraîné quelques troubles intestinaux !
Déjà affaiblis par la longue maladie incurable d’Aigle Azur et de XL Airways, la fin inattendue de Thomas Cook et le coup de chaud de la SNCF, les professionnels du tourisme n’avaient certainement pas besoin de ce vilain virus, sans doute pas plus dangereux qu’une grippe mais assurément plus médiatique que Carlos Ghosn et le boys band coréen BTS (numéro un aux Etats-Unis !) réunis.
Interdits de voyage, les Chinois vont manquer à Vuitton. La boutique des Champs-Elysées redoute que demain, la file d’attente — jusqu’à présent aussi longue que celle de la Tour de la Terreur à Disneyland Paris — ne dépasse plus celle d’un stand de tir de la Foire du Trône estampillé Marcel Campion. Alors que les hôtels bas de gamme de Pantin ou Aubervilliers, qui ont fait des Asiatiques leur clientèle exclusive à coup de buffets de bouillie de riz et raviolis farcis, commencent à désenchanter.
Le patron d'Asia a tenté de rassurer partout à la télé
Et que dire des personnels des avions qui vont devoir rapatrier les Français égarés à Wuhan, là où a démarré l’épidémie… Les pilotes vont-ils troquer leur chic uniforme à galons pour une blouse verte, comme s’ils s’apprêtaient à réaliser une coloscopie sans anesthésie ? Et les hôtesses de l’air seront-elles habillées en infirmière ? Voilà au moins qui devrait faire le buzz à la télé et inciter les plus fébriles de nos expats à réserver un siège !
Pour tenter d’éteindre l’incendie, la profession a trouvé en Guillaume Linton un pompier de luxe. En première ligne, le patron d’Asia a avantageusement remplacé Philippe Martinez sur les plateaux de BFM ou LCI, la moustache en moins et la classe en plus ! L’œil pétillant et le cheveu gris, il a mouillé la chemise pour rappeler que la Cité Interdite n’a jamais aussi bien porté son nom, expliquer les mesures mises en place par le Seto, rassurer pour éviter les amalgames.
Mais aussi louables soient-ils, ses efforts seront sans doute insuffisants pour endiguer une crise sanitaire qui devrait durer plusieurs semaines, et s’élargit progressivement. La Thaïlande, le Japon, Singapour et d’autres recensent leurs premiers cas. A l’heure où les Français réfléchissent à la destination de leurs prochaines vacances, on voit mal pourquoi ils choisiraient de partir en Asie, quand ils sont prêts à refuser un colis Amazon « made in China » ! En 2003, Asia avait survécu à la crise du Sras. On espère qu’en 2020, la pilule ne sera pas trop amère, pour lui et les autres spécialistes du continent…