Distributeurs en quête d’un meilleur maillage de leur réseau, TO intéressés par la marque Jet tours, fonds d’investissements ou groupes touristiques étrangers ? Toutes les spéculations restent ouvertes pour la reprise de Thomas Cook France… avec un attentisme partagé.
Les candidats à la reprise de tout ou partie de Thomas Cook France et Jet tours ont jusqu’au 22 octobre à 19 heures pour déposer leur dossier auprès du Tribunal de commerce de Nanterre qui statuera le 5 novembre. A l’optimisme affiché de la direction de l’entreprise répond l’attentisme, voire le scepticisme, de beaucoup de repreneurs pressentis.
Dans un communiqué de presse publié dimanche 20 octobre, Nicolas Delord leur fait un dernier appel du pied, vantant longuement « les atouts » de sa société pourtant défaillante et mettant en avant sa « position de leader sur le marché du tour-operating et de la distribution de voyages ».
Le patron de Thomas Cook France avait déjà évoqué la semaine dernière « 6 à 7 profils solides de candidats » qui seraient sur les rangs et appelé de ses vœux un scenario idéal de reprise avec Jet tours comme pivot. Une solution qui permettrait au management d’être éventuellement impliqué dans la poursuite de l’activité, alors que les 10 000 clients de l’entité française ont bel et bien été rapatriés.
Des agences au coup par coup
Si le juge se déterminera en priorité sur le volet social, en privilégiant le nombre d’emplois sauvés sur les 780 que compte Thomas Cook France, les dossiers de reprise vont toutefois probablement concerner en premier lieu les 174 agences intégrées.
Marietton Développement et Salaün Holidays ont fait savoir leur intérêt pour une quarantaine de points de vente, en fonction du maillage de leur propre réseau. Jean Dionnet, président d’Univairmer, a dit aussi consulter le dossier. « Le réseau Thomas Cook est un réseau de premier choix, avec des fonds de commerce historiques, telles les anciennes agences Havas Voyages avec des emplacements très prisés, notamment à Paris », note un observateur.
Les points de vente parisiens, avec leurs adresses recherchées et leurs loyers élevés, pourraient de fait intéresser également de grandes marques, hors tourisme, de Rolex à Nespresso. « Il faudra regarder le montants des loyers, évaluer la perte de valeur, traquer les doublons », concédait Laurent Abitbol, président de Marietton investissement et de Selectour en évoquant une éventuelle offre conjointe avec Salaün Holidays lors de l’IFTM Top Resa début octobre.
De son côté, François Piot, le président de Prêt à partir, marquait il y a quelques jours la même prudence. « C'est un dossier que l'on regarde mais nous n'avons pas beaucoup d'informations pour faire une offre qui soit solide. Cela vient au compte-gouttes. Du coup, je n'ai pas encore d'idées sur le nombre d'agences que l'on pourrait reprendre. Sincèrement, je ne sais pas encore si je vais déposer une offre ».
Avant d'ajouter : « Il y a de très belles agences chez Thomas Cook mais après un dépôt de bilan et 3 semaines sans activité, qu'est-ce qui va rester comme clientèle ? La marque est fortement écornée. J'ai déjà repris plusieurs fois des agences en redressement et je sais que l'on peut perdre jusqu'à 50% de clientèle. La question du personnel est aussi délicate ».
Des fonds d’investissements prudents
Nicolas Delord pointait la semaine dernière l’intérêt que pourraient avoir des fonds à investir dans Jet tours et une petite centaine d’agences, en bénéficiant de l’implication d’un management motivé et d’équipes compétentes. « Je pense que pour un investisseur, ne pas saisir cette opportunité serait une occasion manquée incroyable, surtout à un coût bien plus intéressant qu’avant la défaillance », assurait-il.
Sur le marché français, Equistone Partners Europe (partenaire majoritaire de Karavel/Promovacances/Fram), Siparex associé depuis août 2018 au capital de NG Travel (Boomerang/ Kappa Club) et Certarès, actionnaire de référence de Marietton Investissement depuis juin 2018 (il détient également une participation au capital d’American Express Global Business Travel) sont les fonds d’investissements les plus actifs dans le tourisme.
Se lanceront-ils pour autant ? « Cela me semble peu crédible avec ce timing », estime un acteur du secteur, bon connaisseur des pratiques des investisseurs privés. « Un fonds n’arrive pas comme cela dans une entreprise. Il y a un gros travail de préparation en amont, un pitch, des audits, un business plan à définir. C’est une très grosse négociation. Et surtout je ne suis pas sûr que ce soit une bonne affaire. Pour moi, Jet tours, qui a peu de notoriété en BtoC, est une marque flinguée en BtoB, aussi bien auprès de ses réseaux partenaires que des hôteliers, avec une activité future très hypothétique ».
Sollicité par Tour Hebdo, Olivier Kervella, le président de NG Travel qui fut candidat malheureux à la reprise de Fram en 2015 mais qui a su aussi habilement faire revivre des marques comme Kappa ou Coralia, a finalement renoncé ce jour, après moult hésitations, à se porter candidat.
« Après en avoir discuté ce matin avec Siparex, nous avons décidé de ne pas faire d'offre de reprise sur le TO Jet tours. Jet tours est une marque magnifique et ses équipes sont très compétentes mais nous avons également de belles marques à fort potentiel en interne, notamment Directours, Club Coralia et bien évidemment Kappa Club. Nous allons donc continuer à nous concentrer pour l'instant sur le développement de nos propres marques, notamment de la marque Kappa Club », nous a indiqué Olivier Kervella.
De son côté, Laurent Abitbol répète à l’envi « regarder tous les dossiers ». Mais on peut le supposer aujourd’hui davantage concentré avec Certarès sur un projet de partenariat avec TUI France, voire le rachat de Carrefour Voyages souvent évoqué par la rumeur comme une éventualité crédible, pour s’engager plus avant sur un projet de reprise plus ou moins global de Thomas Cook France.
Des groupes étrangers à l’affût ?
Reste l’éventualité de groupes étrangers, allemands en priorité comme DER Touristik, la filiale Voyage du groupe allemand Rewe, ou FTI Touristik. Le premier possède déjà Kuoni dans l’Hexagone, le second y est en développement exponentiel avec FTI Voyages et pourrait avoir un intérêt à pousser l’avantage avec une marque plus emblématique et un réseau d’agences musclé.
Axel Mazerolles, le directeur général de FTI Voyages, ne souhaitait pas faire de commentaire au moment de notre bouclage.